EXCLUSIF / Financement participatif : un agrément européen pour stimuler son expansion

Asset Management - Le financement participatif (crowdfunding) se développe au sein de l'Union européenne (UE). De quels nouveaux leviers législatifs l'UE dispose-t-elle pour créer une Union des Marchés des Capitaux ? Quelles perspectives de développement pour le secteur en 2021 ? Le point avec Romain Parinaud, consultant senior chez Square.

Le 7 octobre 2020, le parlement européen adoptait une proposition de règlement unique relatif aux prestataires de services de financement participatif pour les entreprises, s’inscrivant dans leur objectif prioritaire : créer une Union des Marchés des Capitaux. Cette nouvelle réglementation vise à soutenir l’émergence de nouvelles sources de financement à destination d’entreprises de taille plus modeste — qui souvent ne bénéficient que du levier bancaire, difficile à actionner.

En inscrivant le financement participatif dans la construction de l’Union des Marchés des Capitaux, l’Union européenne (UE) se dote d’une nouvelle méthode d’ouverture économique afin de faciliter la mise en relation entre investisseurs privées et porteurs de projets. Cette initiative contribue fortement à mieux amortir les chocs économiques, et à renforcer l’économie européenne en stimulant des flux de capitaux transfrontières.

Les principaux freins pour profiter de ce nouveau service de financement portent à la fois sur la confiance — et jusqu’à présent, sur l’absence de réglementation communautaire qui ne facilite pas la circulation des capitaux entre les pays européens. La mise en place de cette réglementation a justement pour vocation de travailler sur ces deux notions : rassurer l’investisseur et libérer les capitaux. Deux leviers essentiels pour exploiter le potentiel de croissance du financement participatif et ainsi lui laisser jouer un rôle dans la réussite de notre avenir économique.

Gagner la confiance des investisseurs…

Le financement participatif peine à s’affirmer en France et en Europe malgré une constante augmentation de la collecte depuis son lancement. Sur l’exercice 2019 cette solution de financement alternative a collecté, en France, 629 millions d’euros contre 1 061 milliards d’euros de crédits bancaires aux entreprises. Trop peu pour avoir un impact significatif sur l’économie.

Cela s’explique principalement par un manque de confiance des particuliers envers les plateformes de FP, et ce malgré la présence d’une réglementation nationale déjà en vigueur. L’émergence des plateformes digitales permet de créer un nouveau type de service plus efficient, cependant les agences physiques rassurent encore les clients. Dès lors qu’il est question d’investir son argent en ligne, l’inconnu et le scepticisme sont rédhibitoires, d’autant plus lorsque des scandales financiers y sont associés.

A titre d’exemple, la plateforme chinoise Ezubao s’est servie de ce secteur afin de créer une énorme chaîne de Ponzi et ainsi détourner près de 7 milliards d’euros. Autre exemple, le PDG de la plateforme américaine LendingClub a revendu à un seul investisseur 22 millions de dollars collectés, portant atteinte à l’intégrité du marché et de ses clients. Inutile de préciser que ce genre de pratiques ne fait pas bonne presse auprès du grand public.

…afin de développer le financement participatif

L’UE a bien compris qu’un haut niveau de confiance des investisseurs contribuera au développement du financement participatif. C’est là où réside tout l’enjeu de l’obtention de l’agrément européen pour les prestataires de services de financement participatif. Outre le volet purement fonctionnel lié à ce mode de financement, le label a pour objectif de protéger l’investisseur de lui-même, mais aussi vis-à-vis des plateformes et des emprunteurs.

A l’instar du fameux marquage « CE », le label vient garantir la mise en place d’un corpus réglementaire visant à fiabiliser et sécuriser cette activité. L’illustration la plus criante est sans conteste l’obligation de transparence que doivent appliquer les prestataires auprès de leurs clients. Chaque offre de financement participatif proposée sur une plateforme doit comporter une fiche clés sur l’investissement, accompagnée d’une notation de défaut respectant une méthode de calcul stricte.

L’objectif étant que les investisseurs aient une vision claire des offres et risques qu’ils prennent. Elles doivent également publier à minima une fois par an le taux de défaut des projets financés sur les 24 derniers mois et ainsi montrer qu’elles sélectionnent des projets sérieux, et de facto agissent dans l’intérêt des investisseurs. Une réponse forte apportée au manque de confiance qui pénalise aujourd’hui le financement participatif.

Faciliter la circulation des capitaux

L’agrément aura également la lourde tâche de mettre en musique ce service à l’échelle européenne. Il s’agit là du deuxième volet de cette directive. Effectivement, l’un des freins à l’expansion du financement participatif est la fragmentation des réglementations nationales à l’échelle de l’union. Chaque pays s’est doté d’un arsenal juridique hétérogène d’un pays à l’autre créant de fait des incompatibilités entre eux et suscitant des freins au transit du capital entre les frontières, souvent difficiles et coûteux à lever.

Pourtant, à l’heure où les épargnants sont de plus en plus méfiants envers l’industrie bancaire et souhaite donner du sens à leur épargne, le financement participatif prend tout son sens. Nous savons très bien qu’il est quasi impossible pour des jeunes pousses de trouver des financements, le profil étant jugé trop risqué à ce stade de développement. Alors pourquoi ne pas proposer ce type de financement à l’ensemble des européens au travers de plateformes dépassant le cadre national ? Les gains pour l’économie seraient doubles.

D’une part, elle permettrait de réduire les inégalités économiques et démographiques, en ouvrant la possibilité d’investir dans l’économie réelle d’un pays voisin. Elle permettrait de diluer le risque à l’échelle européenne et non nationale. Premier signe avant-gardiste, la plateforme October — qui propose à ses clients des financements de plusieurs pays de l’UE — peut à présent se vanter d’être en mesure d’octroyer des prêts garantis par les états Italien, Français et Hollandais. C’est un message fort envoyé par les gouvernements européens, qui plus est en période de crise, qui souligne la naissance d’une relation de confiance envers ce mode de financement.

Quels modes de financement ?

Il est donc fort probable que cette collaboration gagne en épaisseur, d’autant qu’en parallèle les injections de liquidités à tour de bras de la BCE continuent de laisser perplexe quant à leur efficacité. L’UE explore donc de nouvelles alternatives allant jusqu’à suggérer l’utilisation de l’helicopter money, distribution directe d’argent de la BCE aux citoyens, afin de soutenir une économie mise à mal depuis plus de 10 ans.

Néanmoins, remplacer une méthode de création monétaire par une autre n’est pas nécessairement l’unique alternative. Capter l’épargne citoyenne à travers le financement participatif est certainement une méthode plus saine et plus durable pour accompagner l’évolution de l’économie.

Justement, si ce mode de financement est l’une des solutions permettant aux épargnants de contribuer à la construction de notre avenir économique, il dispose désormais d’une régulation cohérente et ambitieuse lui permettant enfin de prendre la pleine mesure du rôle qui lui est promis.

Romain Parinaud - Groupe Square

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