États-Unis : une relance budgétaire qui prend de l’ampleur

Asset Management - Alors que la baisse d’impôts votée en fin d’année allait déjà augmenter le déficit de l’ordre d’un point de PIB en 2019, l’accord budgétaire voté par le congrès début février va également contribuer à porter le déficit à un niveau inédit en temps de paix et hors récession.

Cet accord, fruit de négociations entre les démocrates et les républicains, va permettre de sortir d’une période où le gouvernement n’était financé que pour quelques mois ou semaines sous la menace d’un « shutdown », une période où les administrations fédérales cessent leurs activités non vitales, ce qui s’est produit entre le 20 et le 22 janvier et quelques heures le 9 février, avant que Donald Trump ne signe cet accord.

Celui-ci prévoit une augmentation des plafonds de dépense de 143 Mds USD sur l’année fiscale 2018 et de 153 Mds USD en 2019 et plus de 80Mds USD de dépenses de reconstruction suite aux ouragans de l’automne dernier. Environ 100 Mds USD de mesures de réduction du déficit sont prises mais certaines sont peu pérennes, comme la vente d’une partie de la réserve stratégique de pétrole. Le plafond d’endettement est suspendu jusqu’au 1er mars 2019. Un budget complet suivant ces lignes doit maintenant être voté d’ici le 23 mars.

 

Une telle relance budgétaire à un tel moment du cycle économique est totalement inédite

Une estimation grossière laisse envisager un déficit supérieur à 5,0% pour l’année fiscale 2019, ce qui serait totalement inédit en temps de paix et hors récession et tout particulièrement avec un taux de chômage historiquement bas. Si l’impact des baisses d’impôts sur l’activité économique à court terme est relativement incertain, il n’en va pas de même de l’augmentation de la dépense publique. Ces mesures renforcent donc la probabilité d’une demande domestique dynamique sur les prochains trimestres, mais elles posent de nombreuses questions. Dans une économie au plein emploi ou très proche de cette situation, une telle relance de la demande va-t-elle occasionner une augmentation similaire de l’offre, c’est-à-dire de la production ? Si non, le solde commercial pourrait se dégrader et peser sur le dollar. Ces inquiétudes doivent d’ailleurs contribuer à la faiblesse récente du dollar.

Deuxième question : comment la Fed va-t-elle réagir ? Va-t-elle chercher à compenser cette relance budgétaire par une remontée plus rapide de son taux directeur ? L’audition de Jerome Powell par le congrès le 28 février prochain pour le rapport semestriel sur la politique monétaire et la publication des nouvelles prévisions de la Fed lors de la réunion du 21 mars devraient apporter des éléments de réponse.

Enfin, cette augmentation du déficit intervient alors que les dépenses contraintes liées au vieillissement de la population sont appelées à augmenter dans les prochaines années et donc exercer une pression à la hausse sur le déficit. Le gouvernement américain disposera-t-il encore de marges de manœuvre budgétaire lors du prochain retournement cyclique ? La soutenabilité de la dette américaine pourrait-elle être remise en question? Pour résumer, les choix budgétaires faits sur les derniers mois représentent une vraie source d’incertitude.

Matthieu Grouès - Lazard Frères Gestion

Associé Gérant et Responsable des gestions institutionnelles

Voir tous les articles de Matthieu