Etats-Unis : début de la remontada de l’emploi ?

Asset Management - Les embauches nettes aux Etats-Unis enregistrent un rebond au mois de mai. Cette nouvelle redonne confiance aux investisseurs. Comment analyser cette décrue du chômage ? Faut-il y voir le signe d'une fin rapide de la récession provoquée par le coronavirus ? Les explications de Karamo Kaba, Directeur des études économiques chez Ecofi Investissements.

Après plusieurs semaines de statistiques éprouvantes, le marché de l’emploi aux États-Unis a donné des signes d’espoir. Ainsi, contre toute attente, le pays a-t-il créé 2,5 millions d’emplois en mai. Même si la situation sur le marché du travail reste apocalyptique avec la destruction d’environ 20 millions de postes depuis le début de l’épidémie de Covid-19, les investisseurs ont accueilli avec enthousiasme cette bonne surprise. Sur la semaine, la progression des indices est impressionnante, à l’image du Dow Jones (+ 6,95 % à 27 249 points).

Vers un rebond rapide en « V » ?

L’envolée des places financières est proportionnelle à la surprise des embauches nettes, de quoi ressusciter le scénario d’un rebond rapide en « V ». Pourtant, à y regarder de plus près, il faut se garder de tout triomphalisme si nous nous fions à une note publiée par le ministère du travail (BLS), invitant à relativiser ces bons chiffres. Cette décrue peut s’expliquer par quelques artifices statistiques, comme celui de ne pas comptabiliser les 2,7 millions de personnes au chômage partiel dont le coût est pris en charge par le gouvernement en attendant la réouverture de l’économie.

Les investisseurs en tout cas ne semblent pas partager la prudence du BLS, convaincus d’un rebond imminent de l’économie. Nous avons ainsi vu les cours du pétrole flamber (+ 12,8 % pour le Brent, à 42,95 dollars). Dans ces conditions, le sentiment positif, déjà en place depuis plusieurs jours sur les marchés, s’est renforcé, ce qui s’est traduit par une baisse de l’aversion pour le risque (- 3 % pour le VIX à 24,52 points). Cela a participé à diminuer l’attrait des actifs non risqués comme le T-Bond américain avec une forte hausse des rendements (+ 25 points de base, à 0,89 %).

Relance de l’économie européenne

Le rendement du taux allemand à 10 ans est également ressorti en forte hausse (+ 18 pdb, à – 0,27 %) après l’adoption d’une série de mesures budgétaires d’environ 130 milliards d’euros pour les années 2020 et 2021 pour relancer la première économie européenne : prime exceptionnelle de 300 euros par enfant, baisse provisoire de la TVA, plafonnement du prix de l’électricité, prime à l’achat d’un véhicule électrique. Malgré le regain d’optimisme des investisseurs quant à l’évolution de la situation économique, ceux-ci ne tablent pas dans l’immédiat sur une remontée des taux directeurs ou un arrêt des politiques d’assouplissement quantitatif.

D’ailleurs, la Banque centrale européenne (BCE) a bonifié de 600 milliards d’euros son programme d’achats d’urgence face à la pandémie (PEPP) dont l’enveloppe atteint désormais 1 350 milliards d’euros. Elle a également prolongé cette stimulation jusqu’à la fin de juin 2021. Ce sentiment a permis de limiter la progression des échéances les plus courtes, accentuant par-là même le mouvement de pentification de la courbe des taux d’intérêt.

Fin de la doctrine de l’austérité

L’optimisme des investisseurs quant à une fin rapide de la récession a profité au pétrole, une tendance facilitée aussi par l’anticipation d’une reconduction de l’accord de réduction de la production de la part des pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Il n’est donc pas étonnant que les devises liées aux matières premières soient parmi celles qui ont le mieux performé sur la semaine. L’euro ressort également comme une des grandes gagnantes.

Le changement de doctrine sur l’austérité en Allemagne est de nature à bousculer la donne économique pour les pays européens. D’ailleurs, les investisseurs rechignent de moins à moins à prendre des positions libellées en euros, ce qui a soutenu l’appréciation de la monnaie unique qui a même dépassé le seuil de 1,13 dollar. Nous ne pouvons pas en dire autant de la livre anglaise (- 3 % contre le dollar sur la semaine) affaiblie à nouveau par les incertitudes autour du Brexit.

Karamo Kaba

Directeur des études économiques

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