Dette émergente : où rechercher du revenu ?

Asset Management - Fin 2019, les banques centrales adoptent des politiques monétaires accommodantes afin de limiter le ralentissement de l'économie mondiale, suite aux tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis. Dans ce contexte, où trouver du rendement sur les marchés émergents ? Jean Boivin, Responsable Mondial de la Recherche pour le BlackRock Investment Institute, partage son analyse.

Les banques centrales s’acheminent vers une politique d’assouplissement monétaire, dont l’objectif est d’atténuer l’effet du ralentissement économique global provoqué par les tensions commerciales. Ce tournant devrait contribuer à allonger le cycle et à comprimer les rendements à long terme, créant ainsi un contexte favorable pour les actifs générateurs de revenus. Parmi ces derniers, nous privilégions la dette émergente libellée en devise locale.

Le virage pris en 2019 vers une politique monétaire mondiale accommodante a fait revenir les rendements obligataires au bas de leurs fourchettes récentes. Nous nous attendons à ce que les taux bas persistent. La Réserve fédérale américaine (Fed) est sur le point de procéder à une baisse de taux à titre préventif, et la Banque centrale européenne (BCE) doit prendre d’ici fin octobre des mesures de relance supplémentaires ; qui ouvriront la voie à un nouvel assouplissement monétaire global. Le revenu généré par les coupons est selon nous l’un des principaux facteurs de performance du marché obligataire, dans un environnement de taux bas persistant. Dans ce contexte, nous recommandons une surpondération des obligations émergentes.

Sources : BlackRock Investment Institute, et données de Refinitiv Datastream, Bloomberg Barclays et JP Morgan, juillet 2019. 

Privilégier les marchés en devise locale

Il existe deux types de dette émergente : les obligations libellées dans la devise locale de l’émetteur et les obligations libellées dans une autre devise, telle que le dollar américain (USD), aussi appelée dette libellée en devise forte. Le tournant accommodant pris par les banques centrales mondiales a favorisé le redressement des deux types de dette émergente, principalement en raison de la baisse des taux mondiaux.

Certes, le rebond des bons du Trésor américain a peut-être été trop important : les marchés anticipent un assouplissement de la part de la Fed qui nous paraît exagéré compte tenu de fondamentaux économiques toujours corrects. Si les rendements devaient s’accroître, nous reverrions à la baisse nos anticipations de nouvelles hausses de la dette émergente libellée en USD. Pourtant, nous voyons de bonnes raisons de privilégier un certain nombre d’obligations émergentes libellées en devise locale, qui disposent encore d’une marge réelle de croissance.

Quels risques pour les actifs émergents ?

Les fortes appréciations enregistrées par l’USD — et leur potentiel de resserrement des conditions financières — ont toujours constitué le risque principal pour les actifs émergents. Nous prévoyons cependant que l’USD devrait se montrer relativement stable, ce qui réduit d’autant le risque lié à un investissement effectué dans une dette émergente libellée en devise locale. Il y a également d’autres points positifs. La croissance de la Chine devrait ainsi globalement se maintenir. Ses responsables politiques sont prêts à compenser le ralentissement économique qu’un choc commercial produirait par de nouvelles mesures de relance budgétaire. Nous ne prévoyons toutefois pas de relance significative de la croissance chinoise.

La consommation reste par ailleurs résiliente dans de nombreuses économies émergentes, malgré le ralentissement mondial de la production manufacturière. De nombreuses banques centrales de pays émergents, de l’Inde au Brésil, pourraient baisser leurs taux d’intérêt, ce qui entraînerait une nouvelle compression des rendements en devise locale. De leur côté, les risques potentiels comprennent une hausse des rendements des bons du Trésor américain plus forte que prévu, ainsi qu’une intensification des tensions entre les États-Unis et la Chine — voire leur extension aux Amériques, à l’Europe et à d’autres économies asiatiques — une évolution qui affecterait alors les secteurs manufacturiers des pays émergents.

Le poids de la guerre commerciale

Nous privilégions une approche sélective de la dette en devise locale, avec une préférence pour les dettes à long terme brésilienne, mexicaine, indienne et indonésienne. Ces marchés sont relativement peu exposés aux tensions commerciales américano-chinoises et offrent des rendements qui compensent les risques. Ils présentent également d’autres facteurs positifs : des rendements réels élevés, un potentiel d’assouplissement de leurs politiques monétaires, des positions extérieures solides — déficits courants peu élevés et avoirs extérieurs supérieurs à leurs engagements — ainsi que des institutions saines.

Nous nous attendons à ce que les tensions stratégiques entre les États-Unis et la Chine persistent sur le long terme, même si nous prévoyons une trêve commerciale temporaire. Le poids accru des pays fortement exposés à la Chine dans les indices actions des marchés émergents explique en partie notre attitude prudente à l’égard des actions émergentes.

Jean Boivin - BlackRock Investment Institute

Responsable Mondial de la Recherche

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