Des marchés financiers complaisants ?

Asset Management - Un SP500 revenu à moins de 6% de son sommet historique et qui se paie 22 fois les bénéfices, un Nasdaq qui bat un nouveau record et se paie 30 fois les bénéfices, un DAX à 7% de son sommet historique… Comment comprendre ces performances remarquables des indices ? L'éclairage d'Alexandre Baradez, Responsable Analyses Marchés chez IG France.

Le rapport sur l’emploi américain ce vendredi 5 juin a encore fait accélérer les indices, écrasant encore un peu plus la volatilité. Le VIX, qui mesure la nervosité sur l’indice S&P 500 est tombé à 24, son plus bas niveau depuis le 25 février, très loin du pic de mars à plus de 85. En retombant sur ses niveaux de fin février, la volatilité signe quasiment un retour sur les niveaux d’avant pandémie, comme si la situation était déjà revenue à la normale, ce qui est évidemment très loin d’être le cas d’un point de vue économique.

Les conséquences économiques seront encore présentes dans les semestres à venir mais les marchés agissent comme si ce n’était pas le cas. Qu’il y ait un rebond par rapport à une phase de stress aigüe est une chose, que plusieurs indices boursiers reviennent flirter ou dépassent leurs sommets d’avant crise en est une autre. Tout aussi spectaculaire mais qui soulève de nombreuses interrogations sur une éventuelle complaisance des marchés, la vitesse de récupération des obligations d’entreprises.

Rallye des actions américaines

Aux Etats-Unis, un rallye tout aussi phénoménal que sur les actions est intervenu. Les obligations d’entreprises américaines bien notées, celles en catégorie « investissement » (performance mesurée via l’ETF LQD), ont effacé toute la baisse liée au Covid-19, évoluant même à des niveaux supérieurs de ceux observés en décembre ou janvier, avant la crise.

Plus surprenant, les obligations d’entreprises américaines moins bien notées, donc en catégorie « spéculative » — performance mesurée via l’ETF HYG — ont récupéré plus de 80 % de leur baisse. Alors même que la poussière commence seulement à retomber… Aux Etats-Unis, les demandes de placement sous protection du Chapitre 11 de la loi sur les faillites ont progressé de 29 % entre avril et mai.

Fed, une présence rassurante

La Réserve Fédérale n’est évidemment pas responsable à elle seule de cet appétit pour la dette à risque des entreprises américaines. Elle a commencé à acheter depuis quelques semaines des ETF d’obligations « high yield » pour quelques milliards de dollars mais c’est moins l’effet mécanique de sa présence dans le marché qui compte — étant donné les volumes achetés — que l’effet psychologique de sa présence qui joue aux yeux des investisseurs (spéculateurs ?).

Lorsque la Fed a annoncé son intention d’acheter des ETF d’obligations « high yield », le marché n’avait récupéré que 30 % de sa baisse. Deux mois plus tard, le marché a récupéré plus de 80 % de sa baisse. Les investisseurs via ces ETF estiment donc à ce stade que le risque de faillite des entreprises américaine est relativement faible. Ce qui peut paraître « normal » pour les entreprises bien notées, mais qui l’est beaucoup moins pour les entreprises moins bien notées.

Une tendance durable ?

Les marchés ont déjà « pricé » beaucoup de bonnes nouvelles, comme les plans de relance en Europe et aux Etats-Unis, ou encore l’action des banques centrales. Reste à voir si cette tendance se maintiendra au contact des prochaines données macroéconomiques et des résultats d’entreprises pour le deuxième trimestre.

Alexandre Baradez - IG France

Responsable Analyses Marchés

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