Couvre-feu : 20 millions de Français privés de sortie

Asset Management - La deuxième vague du coronavirus balaie l'économie, notamment en Europe. La France a décrété un couvre-feu dans huit de ses métropoles, où le coronavirus circule activement. Quelles conséquences à moyen et long terme sur les marchés ? L'analyse de Karamo Kaba, Directeur de la recherche économique chez Ecofi.

Même si nous ne voulions pas y croire, la seconde vague tant redoutée est
officiellement là. Partout, et plus particulièrement en Europe, la multiplication des cas de Covid-19 fait craindre une interruption nette du processus de relance post-confinement.

Deuxième vague…

Nous avons ainsi assisté à l’annonce par le Président Macron de nombreuses restrictions sanitaires, dont la plus symbolique a été le couvre-feu dans huit métropoles françaises. Ce qui explique pour l’essentiel la sous-performance des indices européens par rapport aux indices américains sur la semaine : – 1,61 % pour l’EuroStoxx 50 contre + 0,74 % pour le S&P 500.

Si, au sein même d’un continent comme l’Europe, d’importantes disparités peuvent se maintenir avec les stigmates de la « première vague », des contrastes encore plus forts peuvent subsister au sein d’un même pays. Ainsi, même si les mesures annoncées par le gouvernement français semblent moins dures qu’au premier semestre, leurs conséquences économiques s’annoncent-elles catastrophiques.

…ou lame de fond ?

Alors que certains secteurs sont toujours marqués par les séquelles de la « première vague », nous imaginons mal comment l’hôtellerie-restauration ou l’évènementiel échapperont cette fois à une cascade de défaillances. Anticipant ces difficultés, l’indicateur avancé dans les services s’est dégradé pour le deuxième mois consécutif en septembre (- 4 points, à 47,5).

Pour le moment, cette morosité ne se fait pas encore ressentir au niveau de l’activité manufacturière, plombée par la construction, l’aéronautique,
l’automobile et la métallurgie. Cependant, la hausse de l’indicateur avancé PMI (de 49,8 à 51,2 points entre août et septembre) devrait être remise en cause par le rebond de l’épidémie et la fin des effets de rattrapage et de restockage. Il est vraisemblable que la production industrielle baisse dans les prochains mois, à l’image des Etats-Unis (- 0,6 % en septembre).

L’investissement reporté

Les dispositifs d’urgence activés par le gouvernement vont dans le bon sens
mais ne suffiront pas. Certes, l’extension du chômage partiel, l’allongement
des délais de paiement pour les échéances fiscales ou la prolongation de
l’accès aux prêts garantis par l’Etat sont de nature à soulager la trésorerie
des entreprises. Mais, cela ne sera pas suffisant pour relancer les dépenses
d’investissement malgré des conditions de crédit très favorables.

Au contraire, nous avons plutôt vu des entreprises cherchant à profiter de ces dispositifs pour accroître leurs liquidités. Une telle attitude peut s’expliquer par l’incertitude liée à la demande des ménages. Par exemple, le retour du télétravail va pénaliser les dépenses en hôtellerie et en restauration, tout en favorisant les biens d’équipements du foyer.

Distanciation sociale

Dans le même temps, la peur des transports en commun devrait favoriser l’achat d’automobile tout en baissant les dépenses de transport et d’entreposage. Au final, nous pensons que les Français vont conserver leurs habitudes d’épargne — initialement « forcée » mais devenue « de précaution » — surtout si, malgré le soutien des pouvoirs publics, le pouvoir d’achat des ménages se repliait fortement.

La baisse des prix (- 0,3 % sur une année en septembre dans la zone euro), facilitée par le plongeon des cours du pétrole (- 35,6 % sur une année pour le Brent, à 42,7 $), va atténuer le recul du pouvoir d’achat, permettant de maintenir le calme sur les marchés obligataires, même si de forte disparités inter-pays subsistent. Les taux d’Etat à 10 ans français (- 6 points de base — pbs — à – 0,34 %) et espagnol (+ 1 pb à 0,12 %) ont sous-performé leur comparable allemand (- 9 pbs, à – 0,62 %).

Dans ces conditions, la phase d’appréciation de l’euro est tout sauf une bonne nouvelle : la hausse de 5 % contre le dollar en 2020 est de nature à annuler la plupart des efforts entrepris en interne pour atténuer le choc de la crise sanitaire. Dès lors, en l’absence de débouchés externes, dans un contexte de plongeon des échanges mondiaux, une rechute de l’activité n’est pas à exclure.

Karamo Kaba

Directeur des études économiques

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