Compromis à la BCE : tout ça pour ça ?

Asset Management - Ce jeudi, la Banque Centrale Européenne a annoncé une hausse de ses taux directeurs de 50pb. Quelles sont les conséquences d'une telle mesure ? Les explications de Xavier Chapard, Recherche & Stratégie chez La Banque Postale Asset Management (LBP AM).

La BCE, lors d’une réunion qualifiée d’importante par Christine Lagarde, a décidé d’augmenter ses taux de 50pb — contre 25pb annoncé le mois dernier — et la création d’un outil spécifique pour lutter contre le risque de fragmentation financière, le Transmission Protection Mechanism. Les faucons ont obtenu la première hausse de taux depuis plus de dix ans, mais aussi la plus grande depuis 2000, permettant de sortir des taux négatifs moins d’un mois après la fin du Quantitative Easing.

C’était probablement le prix à payer par les colombes pour qu’ils acceptent le TPI. L’absence de critère précis et engageant sur l’éligibilité et le déclenchement de ce nouveau programme nous fait penser que la BCE sera réticente à utiliser ce programme sans stress financier important. Pour le futur, la BCE indique qu’elle continuera à monter ses taux mais sans s’engager sur le calendrier et la taille des futures hausses.

Des marchés peu impactés par le compromis

Au total, nous pensons que la BCE remontera ses taux de 50pb en septembre puis de 25pb en octobre et décembre, ce qui est un scénario seulement marginalement moins agressif que ce qu’anticipe le marché. Si ce scénario limite les chances que l’Euro soit durablement sous la parité face au dollar, nous restons prudents sur les dettes des pays périphériques car nous pensons que les programmes de la BCE contre la fragmentation financière (le TPI et l’OMT) limitent les risques de crise abrupte mais n’empêcheront pas la sous-performance des dettes les plus risquées, surtout dans un environnement de resserrement monétaire, de ralentissement économique et de risques politiques élevés.

Les marchés n’ont, au total, pas été très impactés par le compromis atteint à la BCE, en dehors de la hausse des taux d’intérêt les plus courts et de la hausse des taux italiens. Outre les questions sur la crédibilité de l’outil TPI, la dette italienne a souffert de la démission du gouvernement Draghi après que trois partis aient quitté la coalition. Le Président Italien a appelé des élections anticipées pour le 25 septembre, ce qui promet un été agité avec la campagne électorale.

Les livraisons de gaz via NordStream 1 reprennent

La bonne nouvelle est venue des matières premières. La reprise des flux de livraison de gaz via NordStream 1 après sa période de maintenance (au même niveau de livraison qu’avant la période de maintenance, soit 40% du niveau normal) limite les risques de rationnement de gaz important pour l’UE, au moins pour l’instant.  Par ailleurs, les matières premières agricoles continuent de se détendre grâce aux progrès dans les négociations Russo-Ukrainiennes au sujet des exportations de grains via la mer Noire.

Sur le plan des statistiques, pas beaucoup de surprise. La confiance des consommateurs atteint de nouveaux plus bas historiques en Europe à cause de l’inflation et des incertitudes. Le marché de l’emploi américain reste tendu mais ralentit avec une légère hausse des demandes d’allocation chômage depuis des niveaux extrêmement bas.

Et le Japon reste à part avec une inflation sous-jacente à seulement 1% et des pressions limitées, ce qui a poussé la Banque du Japon hier à maintenir inchangé sa politique ultra-accommodante. Nous suivrons de près ce vendredi la publication des PMI de juillet dans les principaux pays développés qui donnera une idée plus précise du rythme de ralentissement de l’économie cet été.