Bourse : peut-on encore prévoir ?

Asset Management - Les principaux indices actions ont enregistré sur 2019 des performances insolentes. Un tel parcours peut-il se poursuivre sur 2020 ou appelle-t-il une consolidation ? Que peut-on prévoir pour l'année qui commence ? Jacques de Panisse-Passis, Président du Directoire, Gérant et Associé d'Optigestion, partage son analyse.

Il y a quelques années le programme MBA de l’INSEAD proposait notamment l’option « prévision ». Le professeur, Spyros Makridakis, PhD, distribuait de nombreux polycopiés, plutôt denses et truffés de formules statistiques. Désireux d’apprendre, les étudiants avaient laborieusement ingurgité les chapitres. Le dernier jour venu, ils étaient tous en amphi, attentifs à l’ultime message du maître.

Ses termes furent à peu près ceux-ci. Sur le plan théorique, vous en savez maintenant autant que les sachants qui se disent prévisionnistes. Vous maîtrisez leur vocabulaire et leurs techniques, vous pouvez dès lors échanger avec eux. Cependant, dans la pratique, sachez que ces outils de prévision ne permettent pas de prévoir.

Rien ne permet de prévoir et la meilleure prévision pour « demain » est encore « aujourd’hui ». Admettez cependant que vous n’aurez pas perdu votre temps car vous connaissez dorénavant la seule conclusion qui compte, ce que beaucoup ignorent ou feignent d’ignorer. Bien sûr ces faits se déroulaient avant que n’apparaissent l’intelligence artificielle et le « big data ». Pourtant je me demande si la conclusion du Professeur serait différente aujourd’hui.

De la difficulté de prévoir l’avenir

Il y a un an, rares étaient les économistes ou les gérants qui prévoyaient une forte hausse des actions sur l’année qui débutait. Puis en 2019, les statistiques ont révélé une dégradation régulière de la dynamique économique tandis que les résultats des entreprises n’ont pas ou peu progressé. Et pourtant les marchés d’actions ont tous magnifiquement monté. La prévision est un art difficile !

Un spécialiste qui ne peut expliquer cette contradiction vous parlera d’une déconnexion entre la sphère financière et l’économie réelle. Les plus hardis suggèreront même un changement de paradigme. Plus simplement, sommes-nous capables d’identifier tous les paramètres qui interfèrent et leurs influences respectives ? Sommes-nous certains du bien-fondé des liens de cause à effet si souvent mis en avant ?

Deux variables, notamment, complexifient fortement l’analyse et la prévision, d’une part la dimension psychologique dont l’influence majeure demeure particulièrement délicate à cerner, d’autre part la formation d’un prix qui résulte de la confrontation d’une offre et d’une demande marginales.

Indices VS risques géopolitiques

Fin 2019, certaines rumeurs prévoyaient une probable correction prochaine. Cette hypothèse nous paraît infondée pour deux raisons. D’une part, les niveaux de valorisation actuels des actions ne sont pas excessifs, d’autre part, les retournements subits se produisent le plus souvent lorsque l’euphorie conduit à un aveuglement unanimement partagé. Or, aujourd’hui, la proportion d’intervenants ayant une opinion mitigée sur le potentiel des indices est suffisante pour éviter un comportement moutonnier.

Les événements qui se mettent en place depuis la frappe américaine sur le général Qassem Soleimani pourraient s’avérer très déstabilisants pour les marchés financiers. Si l’escalade entre les États-Unis et l’Iran finissait par déclencher une flambée des cours du pétrole, l’inflation, longtemps endormie, se réveillerait soudainement, entraînant une remontée des taux d’intérêt.

La dynamique qui a permis une forte appréciation des actions s’inverserait alors brutalement. Les marchés financiers seraient alors mûrs pour une correction et seule la détention de pétrole et d’or permettrait d’atténuer l’impact d’une telle baisse. Cet engrenage nous paraît cependant fort peu probable.

Ce qui se prépare en 2020

En fait, l’année 2020 débute sur des bases plutôt saines, la croissance est timide mais pourrait bénéficier d’une relance budgétaire, les taux vont rester très bas, l’année électorale américaine est traditionnellement un soutien pour les bourses, les tensions commerciales initiées par les États-Unis devraient s’atténuer. En peu de mots, les perspectives sont modérées mais plutôt rassurantes.

Toutefois, dès lors qu’il s’agit de prévoir, n’oublions pas la recommandation du professeur bellifontain.

Jacques de Panisse - Optigestion

Président du Directoire, Gérant et Associé

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