BCE : l’organisme douche les attentes

Asset Management - L'année 2021 s'annonce comme celle du rebond après la crise sanitaire. Que retenir de la dernière réunion de la Banque centrale européenne (BCE) ? Quelle politique budgétaire va-t-elle mettre en place ? Les explications de Karambo Kaba, Directeur de la recherche économique chez Ecofi.

A en juger par l’évolution des places boursières en Europe (Euro Stoxx 50 : – 1,3 %, à 3 495 points), il semble que les investisseurs attendaient un peu trop de la Banque centrale européenne (BCE). Lors de la réunion d’octobre, l’institution monétaire s’était dit prête à utiliser tous les instruments à sa disposition pour aider l’économie.

Certes, le programme d’achat de dettes pour faire face à la pandémie (PEPP) a gonflé de 500 milliards d’euros pour s’établir à 1 850 milliards d’euros. Certes, sa durée a été allongée de neuf mois. Mais les investisseurs ont eu le sentiment que la BCE « en a gardé sous le coude », surtout qu’elle ne s’attend pas à voir l’inflation progresser de plus de 2% entre 2021 et 2023.

Il faut dire que, depuis sa dernière réunion d’octobre, l’horizon s’est beaucoup éclairci sur le front sanitaire avec l’annonce de plusieurs vaccins potentiels avec des taux d’efficacité très intéressants.

Reprise longue et difficile

Cependant, avec une campagne de vaccination qui s’annonce longue et difficile, cela n’augure pas d’un retour rapide à la normale. D’où une révision à la baisse des prévisions de croissance de la BCE pour 2021 (de 5 % en septembre à 3,9 % en décembre) compensée par un relèvement des prévisions pour 2022 (de 3,2 % en septembre à 4,2 % en décembre).

Même si elle a promis une extension du programme PEPP en cas de nécessité, Christine Lagarde a aussi laissé entendre que ce programme pourrait ne pas être utilisé dans son intégralité en cas de rebond plus rapide de l’activité. Cela n’a pas incité à l’optimisme, d’autant que la situation
sanitaire a continué de se dégrader aux Etats-Unis et en Allemagne.

Le pessimisme a gagné du terrain avec la hausse de l’incertitude quant à l’issue des négociations sur un nouveau plan d’aide américain et sur le Brexit. Cela a suffi pour mettre fin au rallye boursier initié depuis cinq semaines (S&P 500 : – 1 %, à 3 663,46 points).

Quid des obligations d’Etat ?

Le début de la campagne de vaccination au Royaume-Uni, le feu vert de la Food and Drug Administration pour le vaccin développé par Pfizer/BioNTech et l’annonce d’un accord sur le plan de relance n’ont pas été d’un grand secours. Les investisseurs sont restés craintifs face à une paralysie de l’administration fédérale (« shutdown repoussé au 18 décembre ») et à l’amenuisement des espoirs d’un accord sur le Brexit.

Cette situation a favorisé les obligations d’État qui ont mis fin à leur tendance haussière de ces dernières semaines. Le rendement du taux à 10 ans a enregistré la meilleure performance de la semaine (- 18 points de base – pbs, à 0,18 %) suite aux propos du gouverneur de la Banque centrale d’Angleterre (BoE) ouvrant possiblement la voie à des taux négatifs, surtout en cas de Brexit dur.

Les concessions de la Pologne et de la Hongrie n’ont pas aidé les pays périphériques qui ont vu leur prime de risque augmenter par rapport à l’Allemagne : – 8 pbs pour le taux à 10 ans allemand, à – 0,64 %, et -7 pbs pour son homologue italien, à 0,52 %.

Les Etats-Unis face au Covid

Les rendements des taux américains ont eux aussi été tirés à la baisse (- 7 centimes, à 0,90 % pour le taux à 10 ans) suite à l’absence d’accord entre les républicains et les démocrates sur le plan de soutien à l’économie, notamment sur les dispositions visant les chômeurs.

Il faudra pourtant bien en passer par là, car sans une prolongation des aides par le Congrès, ces programmes prendront fin le 31 décembre, laissant sur le carreau des millions de personnes. Cela devient encore plus urgent alors que le marché de l’emploi continue de se dégrader — de 716 000 à 853 000 demandeurs sur la première semaine de décembre.

La situation n’est pas prête de s’améliorer si nous nous fions au recul de l’indice NFIB mesurant la confiance des patrons de petites entreprises (-3,6 points, à 101,4 en novembre), ce qui n’est pas une surprise du fait de la recrudescence des cas de Covid-19 dans le pays et du durcissement des mesures dans les Etats les plus peuplés.

Brexit, vers un « no deal »

Sur la scène des changes, la perspective d’un Brexit dur comme scénario « le plus probable » selon le Premier ministre Boris Johnson a pesé sur la livre sterling qui s’est dépréciée sur la semaine (- 0,83 %, à 1,33204 dollar). Faute d’accord d’ici fin décembre, ce sont les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui vont régir les futures relations commerciales entre les 27 et le Royaume-Uni, ce qui instaurera des droits de douane néfastes à la croissance des deux partenaires.

Dans ces conditions, compte tenu de la nature potentiellement récessionniste et des complications politiques (référendum en Ecosse ; traité de libre-échange avec les Etats-Unis) d’une telle issue pour le Royaume-Uni, nous continuons de penser que les deux parties finiront par trouver un terrain d’entente, soit de dernière minute, soit post-Brexit. L’euro s’est légèrement apprécié contre le dollar sur la semaine (+0,12% à 1,21302 dollar).

Karamo Kaba

Directeur des études économiques

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