BCE : doit-elle changer son objectif d’inflation ?

Asset Management - La Banque Centrale Européenne (BCE) pourrait bientôt songer réellement à un examen complet de ses principes directeurs, de ses hypothèses clés et de ses outils. La rumeur revient annuellement, mais fait de plus en plus de sens : la BCE serait sur le point de changer son objectif d’inflation. Quelles seraient les conséquences d'une telle décision ? John Plassard, Spécialiste en investissement chez Mirabaud, partage son analyse.

Selon l’agence Bloomberg, le bureau d’étude de la BCE analyserait de manière informelle l’approche politique de l’institution. Y compris la question de savoir si l’objectif actuel d’une croissance des prix à la consommation « inférieure, mais proche de 2 % » est toujours approprié, 11 ans après la dernière crise financière.

Cela inciterai à poursuivre plus longtemps la détente monétaire. Le marché obligataire a bien réagi à la rumeur, en particulier les obligations des pays dits périphériques comme l’Italie ou la Grèce.

BCE : doit-elle changer son objectif d’inflation ?

De manière pratique

Ayant été incapable ces dernières années d’atteindre son objectif d’inflation, la BCE se chercherait d’autres objectifs ,comme l’a fait la banque centrale américaine (Fed). Il est de notoriété publique que Mario Draghi serait favorable à une approche « symétrique », offrant plus de flexibilité.

Cela permettrait à la BCE de tolérer une inflation élevée après une période de faiblesse, afin d’assurer la croissance des prix et de relever ses taux pour se donner la marge de manœuvre qui lui manque aujourd’hui.

Rappelons que dans la mesure où la BCE s’est fixé un objectif d’inflation asymétrique, elle est aujourd’hui réticente à accepter un dépassement temporaire du niveau cible.

BCE : doit-elle changer son objectif d’inflation ?

Inflation « inférieure à » mais proche de 2%

Il y a 3 raisons majeures pour lesquelles la BCE vise à moyen terme une inflation « inférieure à » mais proche de 2 %, et non 0 % ou 1 % :

  • Marge de mesure : La BCE tient compte de la possibilité d’une légère surestimation des chiffres de l’inflation — tels qu’ils ressortent de l’IPCH — due à la méthode de mesure utilisée. Cette situation peut survenir en cas d’augmentation du prix d’un des articles qui composent le panier de biens et services défini pour calculer l’indice, lorsque celle-ci est due à l’amélioration de la qualité du produit. Par exemple, une voiture équipée d’une meilleure technologie en matière de sécurité qu’un modèle plus ancien. Si le calcul de l’inflation ne prend pas en compte le lien entre la variation du prix et l’amélioration du produit, l’inflation paraîtra plus élevée qu’elle ne l’est réellement.
  • Marge de sécurité : Une inflation « inférieure à » mais proche de 2 % assure une marge de sécurité, qui permet de prévenir tout risque potentiel de déflation. En cas de déflation, les instruments de politique monétaire classiques atteignent leurs limites. À un moment, il devient inutile pour une banque centrale de continuer à diminuer les taux. En outre, avec le temps, même une inflation contrôlée tend à fluctuer autour d’une valeur moyenne. L’intégration d’une marge dans l’objectif pour éviter une inflation nulle permet donc à la banque centrale de recourir moins fréquemment à des mesures non conventionnelles, comme l’assouplissement quantitatif ou les opérations de refinancement à plus long terme.
  • Écarts entre les pays de la zone euro : La BCE maintient la stabilité des prix pour l’ensemble de la zone euro. L’objectif d’une inflation « inférieure à » mais proche de 2 % offre une marge en cas d’écarts des taux d’inflation entre les pays de la zone euro, qui devraient idéalement s’équilibrer dans le temps. Un objectif supérieur à zéro contribue à éviter que certains pays ou certaines régions ne soient soumis à des taux d’inflation excessivement faibles — voire négatifs — pour contrebalancer les taux d’inflation plus élevés que peuvent présenter d’autres pays.

Des précédents ?

La refonte des objectifs d’inflation n’est pas une nouveauté. En 2003, la BCE révise de sa stratégie : l’objectif de « stabilité des prix » avait été défini par l’atteinte à moyen terme d’une inflation légèrement inférieure à 2 %. Ce niveau était censé favoriser l’investissement et l’emploi.

On peut également citer la Réserve fédérale des États-Unis qui annonce en 2012 une cible d’inflation de 2 %, pourtant écartée sous la présidence précédente. Cette décision étant censée perfectionner la communication et la transparence de la Fed, grâce à la quantification de l’objectif final de stabilité des prix.

BCE : doit-elle changer son objectif d’inflation ?

La difficulté de la BCE de remplir son mandat — stabilité des prix — va, tôt ou tard, forcer l’institution à instaurer plus de flexibilité dans sa politique monétaire. Cela dans le but d’être plus réactive, à l’instar de le Réserve fédérale américaine. Le plus tôt la BCE prendra cette décision, le mieux elle anticipera la prochaine crise…

John Plassard - Mirabaud

Spécialiste en investissement

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