BCE : Christine Lagarde coincée par Jerome Powell et le précédent de 2011

Asset Management - La prudence de la BCE se justifie par les incertitudes économiques en Europe. Mais elle est aussi imposée par une Fed très prudente, et par le souvenir cuisant de la remontée des taux de 2011. Le point avec Wilfrid Galand, Directeur Stratégiste chez Montpensier Finance.

La Banque centrale européenne (BCE) a donc annoncé ce 9 septembre un quasi-statu quo de sa politique monétaire. Certes le rythme des achats d’actifs opérés dans le cadre du programme d’urgence pandémie (PEPP) va être « modérément » ralenti.

Mais le soutien reste massif : probablement 60 milliards d’achats mensuels, auxquels s’ajouteront les 20 milliards du programme « classique » (APP). Et les hausses de taux sont repoussées loin, très loin.

Les faucons de la BCE

Pourtant, les « faucons » de Francfort, emmenés par Robert Holzmann, le gouverneur de la Banque Centrale Autrichienne, se faisaient de plus en plus entendre ces derniers jours pour suggérer une accélération du calendrier de resserrement monétaire.

Et le paradoxe est que les prévisions économiques et monétaires publiée ce jeudi 9 septembre les conforteraient plutôt : la BCE a relevé ses prévisions d’inflation pour cette année à 2,2 % contre 1,9 % attendu en juin ; et la croissance pourrait atteindre 5 % cette année !

Bien sûr les incertitudes restent nombreuses : situation sanitaire, tensions sur les approvisionnements, fragmentation du marché de l’emploi, sans oublier que malgré un rapide retour à meilleure fortune l’Europe, contrairement aux Etats-Unis ou à la Chine, n’a pas récupéré le rythme de croissance qui était le sien avant le Covid. Christine Lagarde a d’ailleurs bien précisé que le scénario pouvait évoluer dans les deux sens d’ici à la réunion cruciale de la fin de l’année.

Apprendre de ses erreurs

Mais la BCE reste avant tout contrainte à la prudence par son passé d’une part — et par la Fed d’autre part. L’erreur historique de 2011, quand Jean-Claude Trichet avait décidé de monter les taux avant de faire machine arrière précipitamment quelques mois plus tard, hante encore les esprits de Francfort.

Comme un symbole, l’inflation harmonisée dans l’Eurozone a atteint en août le même niveau, 3 % sur un an, que celui qui prévalait en juillet 2011, au moment du deuxième et dernier mouvement. De cette décision malheureuse, qui avait contribué à déclencher la crise des dettes souveraines en Europe, la BCE a retenu un point essentiel.

Après une longue phase d’assouplissement, il est préférable d’attendre d’être sûr que les conditions économiques et financières se soient durablement retournées avant d’entamer le chemin inverse. Et un point annexe mais important : rien n’est pire pour la crédibilité d’une jeune banque centrale que des allers-retours erratiques.

L’ombre de la Fed

D’autant que la Fed n’arrange rien à l’affaire. Dans le cercle des grandes banques centrales, c’est elle qui donne le ton et nul ne veut prendre le risque d’initier une divergence avec l’institution de Washington.

Or depuis juillet Jerome Powell a été très clair : même avec des postes ouverts qui surpassent désormais le nombre de demandeurs d’emplois et une inflation à plus de 5 % en rythme annuel — et l’Europe en est encore très loin — il faut se donner du temps avant de fermer le robinet à liquidités, et encore plus avant de remonter les taux.

Alors la BCE patiente. Ça pourrait bien durer. Les « faucons » n’y changeront rien mais les marchés respirent mieux.

Wilfrid Galand - Montpensier Finance

Directeur Stratégiste

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