Gestion obligataire : Invesco publie sa troisième étude mondiale

Asset Management - La semaine dernière, le gérant Invesco a publié sa troisième étude mondiale sur la gestion obligataire. Ce document montre notamment le succès de la dette émergente et le développement de l'intégration des critères ESG. Toutefois, la liquidité du marché obligataire préoccupe les investisseurs.

Invesco — société mondiale de gestion d’actifs, basée à Atlanta — a publié le 18 mai dernier les résultats (en anglais) de sa troisième étude annuelle mondiale sur la gestion obligataire. L’étude a été menée auprès auprès de 159 CIO et détenteurs d’actifs obligataires en Amérique du Nord, dans la région EMEA et dans la région Asie-Pacifique (APAC).

Leurs encours combinés s’élèvent à 20 000 milliards de dollars au 31 décembre 2019. Les répondants exerçaient au sein de fonds de pension, de fonds souverains, de sociétés d’assurance, de banques privées, de sociétés de gestion de fonds diversifiés, de multi-gestionnaires et de concepteurs de modèles.

Dette émergente

L’étude constate une nouvelle année d’intérêt croissant pour la dette émergente (EMD). Un momentum solide, des rendements relativement attractifs et une diversification renforcée ont conduit les investisseurs à augmenter leur exposition au secteur. 72 % des investisseurs ont désormais une allocation en dette émergente contre 49 % dans l’étude de 2018, soit une augmentation de 47 %.

Cette augmentation a été menée par les investisseurs des régions EMEA et APAC : 80 % et 89 % d’entre eux ayant respectivement une allocation en EMD, contre seulement 51 % en Amérique du Nord. De plus, parmi les investisseurs ayant investi en EMD, l’allocation moyenne est beaucoup plus élevée en Asie-Pacifique (APAC) (7,2 %) et dans la région Europe, Moyen-Orient et Afrique (EMEA) (6,5 %) qu’en Amérique du Nord (3,6 %).

Compenser de faibles rendements

La spécialisation est aussi en hausse, notamment chez les investisseurs attirés par les rendements. Il privilégient des allocations ajustées à chaque pays (63 %). 42 % des investisseurs gérant une allocation EMD sont intéressés par la Chine, pour ses avantages en matière de diversification et de moindre obstacles à l’investissement : 62 % des investisseurs estiment que l’accès est moins difficile qu’il y a deux ans.

Les perspectives de rendements relativement élevés sur la dette émergente sont perçues comme particulièrement attrayantes par les assureurs. Les assureurs sont plus susceptibles d’investir sur les marchés obligataires émergents (71 % y sont exposés). C’est le rendement plutôt que la diversification qui les y attirent  (71 % se disent principalement motivés par le rendement, contre 59 % en moyenne).

Comment éviter les risques

Pour de nombreuses compagnies d’assurance devant faire face à des objectifs de rendements et un cadre réglementaire exigeant sur la solvabilité, la dette émergente en devises fortes s’est avérée un choix prisé. La faiblesse des rendements a poussé les assureurs à réviser leur spectre des risques acceptables pour faire face à leurs engagements futurs.

Autre défi, la règlementation Solvency II incite les assureurs à détenir des actifs plus liquides et moins risqués pour bénéficier de charges de capital moindres. Les deux tiers des assureurs s’inquiètent donc de leur capacité à générer les rendements prévus sans augmenter de façon significative le risque d’investissement. 37 % d’entre eux affirment rencontrer des difficultés à se conformer aux exigences réglementaires en fonds propres.

Pour les assureurs, les prêts bancaires et les prêts directs offrent une opportunité de générer des rendements supplémentaires à long terme grâce à une prime d’illiquidité, tout en exerçant un contrôle et en restant dans les limites de solvabilité. Pour les assureurs peu enclins à prendre des risques, la dette immobilière s’est avérée un moyen intéressant d’augmenter les rendements sans prendre trop de risques supplémentaires, grâce à la relative facilité de recouvrement.

L’ESG consolide sa présence

Les investisseurs obligataires ont fortement amplifié leur intégration des critères ESG : 80 % des investisseurs de la région EMEA et 69 % de ceux de la région APAC prennent ainsi en compte les facteurs ESG dans leurs portefeuilles obligataires, contre respectivement 51 % et 38 % en 2018.

Au sein de ces portefeuilles, les investisseurs de la zone EMEA ont la plus forte proportion d’investissements ESG, avec 34 % contre 22 % en Amérique du Nord et 19 % pour la région APAC. Les investisseurs nord-américains ont été les moins enthousiastes à l’égard des critères ESG, avec seulement 56 % d’entre eux les intégrant dans leurs portefeuilles.

Intégration ESG et rendements

L’époque où les investisseurs considéraient l’adoption des principes ESG comme un obstacle à la performance des investissements est révolue. Seuls 3 % des personnes interrogées dans le cadre de notre enquête sont encore de cet avis, alors que la moitié considèrent l’évaluation des risques ESG des émetteurs comme un outil important pour améliorer leurs rendements. 

Les émetteurs qui ne tiennent pas compte des préoccupations environnementales et de gouvernance risquent des coûts d’emprunt et de refinancement plus élevés. 54% des répondants pensent que l’analyse ESG peut libérer de la valeur cachée dans l’obligataire. 50 % des investisseurs soulignent l’amélioration du rendement comme un facteur clé en faveur de l’intégration de l’ESG dans leurs portefeuilles obligataires. Les investisseurs de la région EMEA sont les plus positifs.

52 % déclarent que l’intégration des critères ESG dans leurs portefeuilles obligataires contribue aux rendements. Seuls 2 % y voient un inconvénient. Les investisseurs de la région EMEA sont aussi les plus optimistes sur l’avenir des normes ESG, 34 % d’entre eux estimant que ces considérations auront une « influence beaucoup plus importante » dans trois ans. Seuls 15 % d’entre eux estimant que les questions ESG n’auront pas plus de poids dans trois ans qu’elles n’en ont actuellement, soit la proportion la plus faible.

Paradoxe de la liquidité

A la fin du dernier cycle haussier, les propriétaires d’actifs ont étendu leurs allocations aux catégories d’actifs non liquides. Pourtant, 51% d’entre eux ont exprimé des inquiétudes concernant la liquidité du marché obligataire, incertains de la façon dont les marchés obligataires se comporteraient pendant des périodes plus difficiles, par exemple l’introduction de réglementations telles que la loi Dodd-Frank ou le retrait des teneurs de marché traditionnels qui a suivi la crise financière mondiale.

Ces préoccupations sur la liquidité ont entrainé un intérêt accru pour les stratégies qui peuvent contribuer à améliorer la liquidité et à réduire le risque, telles que la négociation de blocs directement entre clients via les ETF (utilisés par 59 % des investisseurs), la négociation de portefeuilles de crédit (utilisée par 30 % d’entre eux) et une plus large adoption de stratégies à échéance fixe (56 %).

Turbulences de marchés

Les investisseurs obligataires faisaient preuve d’une aversion croissante pour le risque avant même la crise du Covid-19 qui s’est déclarée au premier trimestre 2020. Près de la moitié (43 %) des répondants pensaient au moment de l’enquête que la fin du cycle haussier adviendrait dans un an ou moins, le consensus étant en faveur d’un atterrissage en douceur. 23 % identifiaient alors une bulle sur le marché obligataire, tandis que 29 % seulement craignaient un effondrement majeur des prix des obligations.

Les politiques des banques centrales ont conduit à des rendements faibles voire négatifs, poussant certains investisseurs à prendre des risques supplémentaires pour soutenir les rendements et atteindre leurs objectifs. L’étude montre un marché en proie à la peur : la peur de perdre, mais aussi la peur de louper des opportunités. Malgré un certain regain d’appétit pour le risque en fin de cycle, la confluence des préoccupations concernant la fin du cycle et les craintes de guerre commerciale s’est traduite par des portefeuilles relativement bien protégés contre le choc pandémique actuel.  

La Rédaction - Le Courrier Financier

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