Zone euro : l’inflation devrait se stabiliser entre 2 % et 4 % d’ici 2024

Actualités - Après avoir connu une inflation durable, l'Europe entre dans une période de désinflation. L'inflation n'a pas disparu, mais elle augmente moins vite. Quels scénarios se dessinent en 2023 ? Le point avec Le Courrier Financier — avec les réponses exclusive de Bruno Jacquier, économiste chez Atlantic Financial Group (AFG).

L’inflation va-t-elle bientôt amorcer son recul en Europe ? Après deux ans de forte augmentation des prix, la zone euro se dirige vers la désinflation. Dans ce scénario économique, les prix continuent d’augmenter mais à un rythme moins effréné. « Mécaniquement, l’inflation va décélérer dans les mois à venir. Cette situation permet d’ancrer les anticipations d’inflation et ne pas perturber les acteurs économiques » assure Bruno Jacquier, économiste chez Atlantic Financial Group (AFG), contacté par Le Courrier Financier. En avril 2023, le taux d’inflation annuel de la zone euro atteint 7 % d’après les estimations d’Eurostat.

Après la crise sanitaire de 2020, l’Europe a connu une inflation durable. « L’inflation s’est propagée au secteur des services. Les consommateurs ont perçu la hausse des prix et demandé des hausses des salaires, ce qui a déclenché la boucle prix-salaires », résume l’économiste. D’après lui, les politiques fiscales mises en œuvres par les gouvernement ont alimenté le phénomène. L’excès d’épargne des ménages a permis aux entreprises d’augmenter leurs prix pour préserver leurs marges (pricing power). « Les ménages ont ainsi absorbé environ les deux tiers de l’impact de l’inflation », estime Bruno Jacquier.

La désinflation se met en place

« L’inflation devrait se stabiliser entre 2 % et 4 % en 2024 », prédit Bruno Jacquier. Plusieurs facteurs pointent dans ce sens. Les prix de l’énergie et les prix des biens se stabilisent, tandis que ceux de l’alimentaire et des services progressent. « L’Espagne est un bon exemple. Comme aux Etats-Unis, l’inflation décélère mais demeure au-dessus de 2 % par an », relève Bruno Jacquier. Ce jeudi 25 mai, l’Institut national de la statistique (INE) a indiqué que l’inflation espagnole sur un an glissant était tombée à 3,3 % en mars, contre 6,0 % en février. L’inflation au pays de Cervantes atteint ainsi son plus bas depuis août 2021.

D’après l’INE, ce ralentissement vient principalement à la baisse des prix de l’électricité et du carburant — qui avaient fortement augmenté en mars de l’an dernier. L’inflation de base (hors prix des aliments frais et de l’énergie) atteint 7,5 % en rythme annuel, contre 7,6 % en février. La flambée des prix des denrées alimentaires (+16 % sur un an en février dernier) a beaucoup pesé sur le pouvoir d’achat des consommateurs en Espagne. Pour soutenir ses citoyens dans cette période économique délicate, Madrid a ramené la TVA de 4 % à 0 % sur certains produits essentiels (pain, fromage, lait, fruits, légumes et céréales).

Tout est une question de temps

La ministre espagnole de l’économie, Nadia Calvino, s’attend à une inflation plus basse en 2023. En revanche, elle met en garde contre la volatilité d’un mois à l’autre. « Le phénomène est plus visible qu’en France, par exemple. L’Espagne n’a pas mis en place de bouclier tarifaire contre la flambée des prix — notamment des primes pour abaisser les coûts de l’énergie. Les prix ont monté plus vite en Espagne et aux Etats-Unis que dans l’Hexagone, où l’inflation peine aujourd’hui à décélérer. Tout ceci n’est qu’une histoire de décalage temporel et de mathématiques. La situation est similaire dans les trois pays », explique Bruno Jacquier.

D’après une récente étude menée par Managing Partners Group (MPG), un investisseur professionnel sur trois (33 %) pense que l’inflation en Europe devrait revenir à son niveau d’avant la guerre en Ukraine au T3 2023. Ils sont presque aussi nombreux (30 %) à penser que cet objectif sera atteint au T4 2023. L’enquête a été menée en mars 2023 auprès de 100 gestionnaires de fortune et investisseurs institutionnels, responsables collectivement de 294 milliards d’euros d’actifs sous gestion. « Les craintes des investisseurs concernant une nouvelle accélération de l’inflation en 2023 sont en train de se dissiper », conclut Bruno Jacquier.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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