Fin de l’architecture ouverte pour les CGPI ?

Asset Management - Alors que MIFID II avait déjà fait couler beaucoup d’encre au sujet de l’indépendance des conseillers et des modes de rémunération, voilà qu’un nouvel aspect du texte vient envenimer la situation, et enflammer les acteurs du secteur financier : PRIIPs.  

Dans le cadre de MIFID II, l’annonce de la mise en application, dès janvier 2017, de la directive PRIIPs s’accompagne d’un tollé massif. Qu’est-ce qu’elle comporte ?

À l’initiative de la Commission Européenne, la directive PRIIPs (Packaged Retail and Insurance-Based Investment Products, pour Produits d’Investissement Packagés de Détail et Fondés sur l’Assurance, en français) consacre des obligations nouvelles en matière de gouvernance des instruments financiers : elle imposerait notamment un nouveau protocole dans la protection de l’investisseur.

Une démarche fastidieuse

Pour l’ensemble des produits financiers distribués auprès d’investisseurs particuliers de l’Union Européenne, la mise en place d’un KID (Key Information Document) ou DICI (Document d’Information Clef pour l’Investisseur) est obligatoire, élargie, et imposerait une définition plus fine des responsabilités respectives entre producteurs et distributeurs.

Concrètement, en lieu et place d’un document de deux pages reprenant les informations succinctes sur l’ensemble d’un fonds, PRIIPs exigerait la remise, au client final, d’un document de quatre pages pour CHACUN des produits référencés dans un contrat (même si ce nombre s’élève à plusieurs centaines).

Les nouveautés : projections de performance et éligibilité des produits d’assurance-vie

Alors que l’ancien KID devait justifier les frais, les risques et les pertes passées du fonds, le nouveau devrait mentionner les potentiels frais futurs, les risques de contrepartie, les espérances de gain (détaillées en fonction d’un scénario optimiste, pessimiste et médian), ainsi que les moyens pour atteindre ces objectifs, pour chacun des véhicules présents dans le contrat.

Pour les produits d’assurance-vie comprenant des allocations, l’assureur aurait la charge, même s’il n’est pas en contact avec le client final, de fournir ces informations.

Une temporalité excessive ?

Il apparaît que la société de gestion, qui communiquait auparavant des données hebdomadaires, devrait désormais s’acquitter de cette tâche à un rythme plus soutenu. Si la communication de ces données devait être quotidienne, de nombreuses structures feraient face à un afflux de données ingérable.

Quid de la responsabilité : partagée entre le CGP et l’assureur ?

L’adéquation entre produit proposé et profil de risque de l’investisseur incombait précédemment au CGP. Ce dernier devait, au moyen d’un questionnaire, établir le SRRI (pour Synthetic Risk and Reward Indicator ou Indicateur Synthétique de Risque et de Performance). Avec la nouvelle directive, l’assureur engagerait sa responsabilité quant à l’adéquation des produits souscrits avec le profil de risque de l’investisseur.

On The Regs, le blog de Brown Brothers Harriman (la plus ancienne et plus grande Banque Privée américaine) avance, dans cette optique, un scénario catastrophe : Si les SGP auxquelles l’assureur faisait appel ne sont pas en mesure de garantir cette adéquation, l’assureur pourrait être tenté de dé-référencer de son offre les fonds qu’il ne maîtrise pas. Afin de se protéger, il est envisageable que les assureurs recentrent leurs offres sur leurs propres fonds.

Les premiers assureurs tirent la sonnette d’alarme. Sonia Fendler, Présidente d’Expert & Finance et Membre du Comex de Generali France alerte le marché dans un tweet daté du mercredi 8 juin : “La réglementation européenne PRIIPs va tuer l’architecture ouverte en OPCVM pour nos clients français”.

Perspectives

Si la directive est d’ores et déjà sur la table, l’absence de certitude quant à la forme qu’elle prendrait laisse aux acteurs un répit, et l’occasion de s’interroger. Gageons qu’au cours des six prochains mois les décideurs n’en resteront pas là. L’AFG, qui s’inquiète du coût qu’engendrerait le passage au DICI PRIIPs, se mobilise en faveur d’une extension de la période transitoire, afin d’évaluer si le DICI peut être maintenu dans la forme actuelle. Benoist Lombard, Président de la CNCGP, s’est aussi déjà positionné : “Nous mobilisons notre écosystème depuis 2014 sur PRIIPs avec l’AFG, le travail se poursuit !”.

En termes de solutions, certains acteurs ont anticipé les besoins à venir. Notons cette semaine le lancement d’une fintech, née d’une initiative franco-britannique et dédiée aux conseillers indépendants : Fundee. Cet outil avant-gardiste proposerait notamment d’établir le profil de risque SRRI du client ainsi que trois scénarii de projection de richesse, à priori conforme aux exigences de la réglementation en question. Affaire à suivre.

Roxane Nojac - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (avril 2016 - janvier 2019)

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