Le secteur financier peut-il encore se passer des « Regtechs » ?

Actualités - La digitalisation en BFI et plus largement dans le secteur bancaire a vu naître les « Regtechs »(Regulatory Technologies) qui ont pour but d’alléger les lourdeurs administratives des institutions financières dans le domaine de la conformité et du pilotage des risques.

En effet, depuis la crise des subprimes de 2007, les banques et acteurs du secteur financier sont mis à rude épreuve par les régulateurs pour démontrer leurs forces et leur stabilité financière et comptable (FATCA, Emir, Finrep, Mifid, AEOI, Eckert, Anacrédit etc). Selon la commission européenne, les aides d’états allouées pour appliquer ces nouvelles mesures auraient atteint 4100 milliards d’euros depuis la crise.

Dans un contexte où la mise en conformité est donc devenue stratégique et incontournable, la vocation principale des Regtech est d’accompagner les entreprises à adapter leurs outils et processus métier aux nouvelles réglementations. En outre, elles les aident à identifier des points de vigilance, faciliter le respect des normes et limiter les risques de pénalité. En matière de suivi du risque de contrepartie, le poids de la réglementation KYC (Know Your Customer) dans les établissements bancaires est considérable tant sur le plan financier qu’en matière de charge du personnel. Sur le plan de la conformité, par ailleurs, les Regtechs ont permis aux External Providers et aux Utilities de mutualiser les informations concernant leurs clients pour tous les processus d’on-boarding par l’utilisation de la technologie blockchain. Beaucoup de ces acteurs vont même jusqu’à monnayer l’intégration de leurs bases de données auprès de leur clientèle dans le secteur financier comme Bloomberg ou Thomson Reuters. A titre d’exemple, le fonds Blackstone a investi lourdement en rachetant une partie de la division de Reuters dans ce domaine pour 17 milliards de dollars.

Le rôle des Regtechs auprès des banques en ligne

Ces dernières développent de nouveaux services financiers à bas coûts et contribuent progressivement à la dématérialisation des banques traditionnelles. Compte tenu de leur modèle économique, les nouveaux acteurs tels que Compte nickel, carte N26 ou Mondo ne peuvent supporter seuls les coûts afférents à ces transformations : les Regtechs les aident donc à trouver des solutions pour externaliser et mutualiser ces coûts.

Aux États-Unis et au Royaume-Uni, KPMG annonce que le secteur aurait attiré quelque 219 millions de dollars d’investissements au premier trimestre 2017, pour y développer les usages de la blockchain. Ainsi les Regtech investissent majoritairement dans le Big Data, cette technologie permettant la confrontation et la vérification de beaucoup de données, œuvrant ainsi pour la lutte contre le blanchiment d’argent. Afin de répondre aux besoins des régulateurs, les acteurs financiers doivent assurer un screening automatisé et intelligent de ces bases pour cibler les personnes physiques ou morales exposées, susceptibles d’être impliquées dans des scandales internationaux. Elles anticiperaient ainsi en amont les risques et la bonne gestion à avoir.

Très complémentaires aux « Fintech », les « Regtech » constituent un tournant dans la digitalisation du domaine bancaire et permettent de faire face à l’inflation galopante du nombre de barrières réglementaires. Le développement des Regtechs passera beaucoup par le soutien des régulateurs nationaux puis internationaux qui restent frileux face à cette technologie. L’Angleterre paraît en avance sur ce sujet, un chef économiste de la banque d’Angleterre et le régulateur anglais, le FCA, essaient de créer de leur côté des incubateurs pour développer ces idées et lever les freins à leur utilisation dans le secteur bancaire (stress test mis en place par l’European Bank Authority – EBA). Le Brexit aidant, Londres tient à garder sa place de leader dans le monde des startups de la finance, les plus grosses levées se réalisent encore Outre-Manche comme Trasnferwise pour 280 millions de dollars.

Les Regtechs : solutions ou défis ?

Les Regtechs semblent proposer des solutions nouvelles et réactives qui ne seront pas sans poser des défis en terme d’identité digitale et de sauvegarde de données, le règlement GDPR venant d’être lancé le 25 mai dernier. Le cœur de métier des regtechs, dont le développement repose sur le partage des données pourrait bien être mis à mal par ces tendances « protectionnistes ». Cependant les gouvernements ont tout à gagner à faire le pari de ces nouveaux acteurs et à les accompagner jusque dans le respect des dernières réglementations, sous peine d’être dépassé par des états plus visionnaires… L’émergence des Regtechs devrait en effet permettre de répondre aux besoins immédiats des banques : réduire leurs coûts directs et mieux gérer leurs risques tout en s’adaptant aux réglementations.

Par ailleurs les Regtechs ont encore de beaux jours devant elles : en dehors de la Finance, d’autres secteurs vont être impactés. Depuis 2017, les plateformes et le marché du crowdfunding sont de plus en plus surveillés et régulés par l’ACPR. Le développement de ces acteurs sera notamment à compléter et à mettre en lien dans le cadre de plateformisation des banques et l’Open Banking

Nicolas Kling

Consultant finance pour le Groupe Square

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