International : cherche coopération désespérément !

Actualités - L'échiquier international est en pleine mutation. Afin de relever ces nouveaux défis, la coopération interétatique est primordiale. Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Épargne, livre son analyse.

La disparition de Mikhaïl Gorbatchev le 30 août dernier met en relief l’ampleur des changements intervenus ces trente dernières années. Avec la chute de l’URSS, en 1991, les démocraties occidentales ont eu alors l’impression d’avoir gagné la guerre froide, au point que « la fin de l’histoire », c’est-à-dire la fin des luttes idéologiques, était selon Fukuyama, devenue réalité.

La démocratie et l’économie de marché étaient la voie promise pour tous les pays. Les États Unis, par leur suprématie militaire et économique, n’avaient pas de concurrents possibles. Ils étaient dans une situation unique dans l’Histoire, celle d’être la seule superpuissance au point d’être qualifiée par Hubert Védrine « d’hyperpuissance ».

L’Europe réunifiée effaçait les derniers stigmates de la Seconde guerre mondiale. Le marché unique et l’euro étaient autant de symboles de la réussite de l’Union européenne. Trente ans plus tard, les espoirs de paix, de croissance apaisée se sont transformés en désillusions. Les crises se sont accumulées. Les démocraties sont menacées tant en interne qu’en externe par la montée des extrémismes.

Covid-19 et guerre en Ukraine

Les divisions minent les grands pays occidentaux, y compris les États-Unis comme l’invasion du Congrès en 2020 l’a prouvé. L’Union européenne a dû faire face au départ du Royaume-Uni et est confrontée aux dérives populistes de plusieurs de ses États membres. Depuis l’échec du traité constitutionnel en 2005, l’Europe n’arrive pas à trouver un nouveau souffle. La démocratisation par les échanges commerciaux semble avoir échoué.

La Chine, premier exportateur mondial, ne s’est pas libéralisée tout comme la Russie, bien au contraire. Cette dernière qui n’a jamais connu dans son histoire d’alternance démocratique a renoué avec ses tentations multiséculaires d’expansion en direction des détroits. La première guerre de Crimée entre 1853 et 1856 opposa l’Empire russe à une coalition formée de l’Empire ottoman, de l’Empire français, du Royaume-Uni et du royaume de Sardaigne.

Les pays occidentaux ont perdu de leur puissance, leur PIB représentant moins de 50 % du PIB mondial, contre près de 75 % en 1973. Endettés et confrontés à une lancinante baisse des gains de productivité, ils sont contestés par les pays émergents. Après plus de deux siècles de domination économique, une apathie aurait gagné les États-Unis, le Japon et les États de l’Union européenne.

La guerre en Ukraine, latente depuis sept ans avec l’invasion de la Crimée par la Russie, a été un choc pour les dirigeants européens, après le repli des États-Unis d’Afghanistan, de la France au Mali et surtout après deux ans d’épidémie de Covid qui ont affaibli en profondeur les structures des différents pays. Malgré un coût économique important, avec des risques de pénurie énergétique, les États européens ont décidé d’isoler la Russie et de soutenir l’Ukraine.

La nécessaire coopération internationale

Des États qui durant la guerre froide avait opté pour la neutralité, comme la Finlande et la Suède, ont adhéré à l’OTAN, preuve d’une prise de conscience de l’éminence et de la réalité du danger russe. De jour en jour, les gouvernements européens annoncent des mesures inconnues en temps de paix en fixant le prix de l’énergie ou en prévoyant des rationnements. Cette crise se produit en pleine transition énergétique qui suppose une refondation totale des modes de production en cours depuis plus de deux siècles.

Pour compliquer la donne, le vieillissement démographique met sous tension le marché de l’emploi et les systèmes de protection sociale. Face à ces défis, les États occidentaux peuvent être tentés de jouer en solitaire, solution vouée à l’échec. La coopération est le seul moyen pour éviter un blackout économique et financier total. La nécessité d’une remise à plat du système monétaire mondial pourrait se poser dans les prochaines années compte tenu du niveau atteint pas les dettes et par les risques de déstabilisation que pourraient générer les monnaies digitales de banques centrales.

Après la Seconde guerre mondiale, les démocraties s’étaient réorganisées autour du FMI et des accords du GATT. Après le premier choc pétrolier, Valéry Giscard d’Estaing avait lancé le G5 devenu G7 réunissant les principales puissances économiques mondiales. En 2008/2009, Barak Obama et Nicolas Sarkozy avaient été des acteurs clefs au sein du G20 dans le combat contre la menace d’implosion financière provoquée par la crise des subprimes. Le silence international actuel face aux enjeux politiques et économiques ne saurait durer longtemps, faute de quoi la crise actuelle pourrait ressembler à celle vécue il y a un siècle.

Philippe Crevel - Cercle de l'Epargne

Directeur

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