Zone euro : Bruno Le Maire croise le fer avec l’Allemagne

Actualités - Cette semaine, Bruno Le Maire — ministre français de l'économie et des finances — plaide la cause de la relance budgétaire contre la rigueur allemande, afin de relancer la croissance de la zone euro. Ce duel à fleurets mouchetés se heurte au principe du « zéro endettement » allemand. Quelles sont les perspectives de croissance en Allemagne ? Le pays va-t-il amender sa doxa de rigueur budgétaire ?

Zone euro : Bruno Le Maire croise le fer avec l'Allemagne

(Conception : Mathilde Hodouin – Création : Charlotte Thomas)

Est-il possible de convaincre l’Allemagne d’investir davantage pour soutenir la croissance ? Bruno Le Maire, ministre français de l’économie et des finances, a pris la parole en ce sens ce mercredi 9 octobre par voie de presse. Dans un entretien avec le quotidien Die Welt, Bruno Le Maire déplore la faiblesse des investissements publics outre-Rhin. Cette idée se heurte au principe du « zéro endettement » auquel l’Allemagne reste très attachée. Cette position de Berlin contrarie la mise en place d’un éventuel plan de relance, dont l’économie allemande en berne — chute de la demande industrielle extérieure, pour partie liée à la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis — aurait bien besoin.

Relancer la croissance allemande

Ce refus s’avère problématique, compte tenu poids de l’Allemagne dans la zone euro. Depuis des années, le pays accumule pourtant les excédents budgétaires… qu’il refuse de dépenser. « Les pays qui peuvent se le permettre devraient investir davantage et utiliser leur marge de manœuvre budgétaire pour alimenter la croissance dans l’ensemble de la zone euro », déclare Bruno Le Maire. Dans le sillage d’Emmanuel Macron, le ministre de l’économie et des finances défend l’idée d’un budget européen. Cette proposition figure parmi les promesses de campagne du candidat En Marche! pour les présidentielles de 2017. Objectif, relancer la croissance de la zone euro, limitée à 1,2 % sur 1 an au deuxième trimestre 2019.

Bruno Le Maire s’est dit résolu à poursuivre les négociations de manière intensive. De quoi détourner le pays de Goethe de sa sacro-sainte rigueur budgétaire ? « Un budget équilibré n’est qu’un moyen d’arriver à ses fins, mais ce n’est pas l’objectif et il doit s’adapter au cycle économique », ajoute Bruno Le Maire. Le ministre espère convaincre l’Allemagne de soutenir davantage son tissu économique de PME, qui sont largement tournées vers l’international et souffrent de la conjoncture. « Je reste convaincu qu’il est possible d’investir davantage, ce que me confirment de nombreux chefs d’entreprise en Allemagne », relève Bruno Le Maire. Remettre la croissance allemande sur les rails bénéficierait aussi à ses partenaires européens.

Vers un changement de paradigme ?

Face au coup de frein de la croissance et à l’éventualité d’une récession, le débat fait rage en Allemagne sur l’arrêt de la rigueur. Ce n’est pas qu’une question de volonté politique. Le « zéro endettement » (en allemand Schuldenbremse) figure dans la Constitution, ce qui limite fortement les marges de manœuvre. C’est pour cette raison que le 13 août dernier, la chancelière Angela Merkel avait reconnu que l’économie allemande traversait « une phase difficile », tout en rejetant l’hypothèse de financer un quelconque plan de relance à coups de déficits budgétaires. Les ministres allemands Olaf Scholz et Peter Altmaier — chargés respectivement des Finances et de l’Économie — suivent la même ligne.

Pour l’Allemagne, hors de question de prendre exemple sur Paris, qui a annoncé en septembre dernier un plan de 9 milliards d’euros de baisse d’impôts, suite à la crise des Gilets Jaunes. La France n’est pas le seul acteur qui tente de convaincre son voisin de mettre un peu d’eau dans son vin. D’autres partenaires européens, le FMI ou encore la Commission européenne abondent dans ce sens… sans grand succès pour le moment. L’orthodoxie budgétaire a encore de beaux jours devant elle sur le Vieux Continent.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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