Réforme des retraites : Elisabeth Borne sort le grand jeu

Actualités - Ce mardi 10 janvier, Elisabeth Borne a présenté les mesures phares de son projet de réforme des retraites — qui devrait entrer en vigueur d'ici septembre prochain. Comment le gouvernement entend-il procéder ? Quelles conséquences pour les Français qui préparent leur retraite ? Le point avec Le Courrier Financier.

Réforme des retraites : Elisabeth Borne sort le grand jeu

Conception Mathilde Hodouin – Réalisation Amandine Victor

Cartes sur table pour le gouvernement. Ce mardi 10 janvier, Elisabeth Borne a présenté le projet gouvernemental de réforme du système des retraites. Emmanuel Macron « joue l’avenir de son second quinquennat sur ce test social », analyse Reuters. Le texte doit arriver à l’Assemblée nationale début février 2023, dans un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS). Ce véhicule législatif permet de limiter la durée des débats — 50 jours contre 70 dans le cadre d’une loi de finances. Le recours au PLFRSS permet aussi d’étendre l’usage de l’article 49.3 de la Constitution au cours d’une session parlementaire.

Si la Première ministre décide d’y recourir, la discussion du projet de loi sera immédiatement suspendue. Le texte sera considéré comme adopté, sans être soumis au vote — sauf si les députés déposent une motion de censure dans un délai de 24 heures. « C’est le passage en force par excellence, l’arme nucléaire législative », résume Public-Sénat. Le gouvernement entend mener cette réforme tambour battant, avec une adoption prévue en mars prochain. Les principales mesures devraient entrer en vigueur à partir du 1er septembre 2023. La réforme doit apporter 17,7 milliards d’euros en recettes en plus en 2030.

Recul de l’âge légal de départ à 64 ans

En tête des mesures phares, figure le recul progressif de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans. A partir du 1er septembre prochain, l’âge légal sera peu à peu relevé à raison de trois mois par année de naissance. Il atteindra 63 ans et 3 mois en 2027, puis 64 ans en 2030. Ce report de l’âge s’accompagne d’une accélération de la mise en oeuvre de la loi « Touraine » de 2014. En d’autres termes, dès 2027 il faudra avoir cotisé 43 ans pour obtenir une retraite à taux plein — contre 42 ans actuellement. Les personnes qui partent à la retraite à 67 ans bénéficieront quand même d’une retraite à taux plein, même si elles n’ont pas travaillé 43 ans.

D’après Elisabeth Borne, la démographie rend nécessaire ce recul de l’âge légal du départ à la retraite. « Il y a une réalité que chacun connaît : le nombre de ceux qui cotisent pour les retraites diminue par rapport au nombre de retraités. C’est un fait, pas un argument politique ». a-t-elle déclaré. Le nombre de retraités s’élevait à 16,9 millions en 2020, celui de cotisants à 28,2 millions d’après l’Insee. Le ratio cotisants-retraités atteint aujourd’hui un peu moins d’1,7 cotisant par retraité. En 1960, la France comptait quatre cotisants pour un retraité, d’après les données du conseil d’orientation des retraites (COR).

Syndicats, le bras de fer a commencé

Ce mardi, Elisabeth Borne a parlé d’un « moment de vérité », et s’est félicitée des concertations menées depuis octobre avec les partenaires sociaux et les forces politiques. « Nous voulons le dialogue (…) Nous sommes prêts à faire encore évoluer notre projet. Et cela sera possible grâce à un débat parlementaire loyal et constructif » a-t-elle assuré. Mais ce discours ne convainct absolument pas les syndicats. Fait exceptionnel, ils présentent un front uni. La CFDT, la CGT, FO, la CFE-CGC, la CFTC, l’Unsa, la FSU et Solidaires ont annoncé dès mardi soir une journée de grèves et de manifestations le jeudi 19 janvier prochain.

Dans les transports et dans les infrastructures de raffinage, les Français doivent s’attendre à un conflit dur. La CGT Pétrole appelle à plusieurs jours de grève, les 19 et 26 janvier ainsi que le 6 février prochains. Dans les rangs de la SNCF, les syndicats — CGT, Unsa, Sud et CFDT — ont appelé ce mercredi 11 janvier à « une grève puissante » dans le rail. Du côté de la RATP, les syndicats — CGT, FO, Unsa et CFE-CGC — ont déclaré dans un communiqué qu’ils allaient mettre « tout en oeuvre pour s’opposer » à la réforme. En cause, la fin du régime spécial de retraites dont bénéficie la régie des transports parisiens.

Préparer sa retraite, quelle feuille de route ?

Du point de vue des professionnels du patrimoine, l’épargnant disposera bientôt de deux ans de plus pour préparer sa retraite. « La retraite a un réel impact sur la vie des personnes. Il faut anticiper et être conscient des changements qui s’opéreront à ce moment-là », prévient Philippe Delerive, Associé et Directeur du pôle Risques & Assurances au sein du groupe Exponens, contacté par Le Courrier Financier. « Dans l’idéal, une retraite se prépare dès le début de la vie active. Mais la plupart des Français s’en préoccupent quand ils atteignent la cinquantaine », nous explique-t-il.

Dès 55 ans, il est temps de vérifier son parcours de carrière sur le site Info Retraite. Objectif, s’assurer qu’aucune erreur ne s’est glissée dans le calcul de la pension. « Nous faisons souvent prendre conscience à nos clients que le montant de leur pension sera inférieur à leurs espérances. En général, ils retrouvent les revenus qu’ils avaient à l’âge de 40-45 ans. Pour dédramatiser, nous leur disons qu’ils rajeunissent ! », explique Philippe Delerive. Les Français ont rarement connaissance de leur taux de remplacement — c’est-à-dire le pourcentage du dernier revenu d’activité qu’ils conserveront en partant à la retraite. 

Les retraites représentent le premier poste de dépenses de la protection sociale, avec 332 milliards d’euros de pension versés en 2020, soit 14,4 % du PIB. D’après la Drees, les retraités qui résident en France — tous régimes confondus — touchaient en moyenne 1 509 euros bruts mensuels en 2020. Cela correspond à 1 400 euros nets par mois. Dix à quinze ans sa retraite, il est encore temps de combler l’écart entre cette pension et le revenu souhaité. « Pour nos clients cadres et chefs d’entreprise, l’ouverture d’un PER permettra de compenser la baisse de leurs revenus quand ils partiront à la retraite », précise Philippe Delerive.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

Voir tous les articles de Mathilde