Orpea : les hedge funds arrivent, les gérants ISR s’enfuient

Actualités - Cette semaine, le scandale Orpea continue de secouer l'univers de la gestion d'actifs. Comment les hedge funds se sont-ils positionnés ? Quel impact pour les gérants ISR et les agences de notation ESG ?

Orpea : les hedge funds arrivent, les gérants ISR s'enfuient

(Conception : Mathilde Hodouin – Réalisation : Amandine Victor)

Les fossoyeurs des fossoyeurs sont entrés dans la danse… Depuis fin janvier dernier, le groupe Orpea a perdu près des deux tiers de sa valeur en bourse. En cause, la publication du livre Les Fossoyeurs (éditions Fayard) par Victor Castanet. Le journaliste d’investigation accuse le groupe, spécialiste mondial des EHPADS et des cliniques, de maltraiter ses résidents. De quoi attirer les vendeurs à découvert (hedge funds), notamment anglo-saxons. D’après Le Figaro, 19 de ces fonds vautours spéculaient déjà sur la baisse d’Orpea en bourse le 4 février dernier. Du côté des fonds ISR, la controverse sème l’inquiétude.

Revers de fortune et spéculation

Hygiène, nourriture, prise en charge médicale… Le « système Orpea » reposerait sur un rationnement systématique des soins, destiné à améliorer la rentabilité des établissements. Le groupe nie en bloc les accusations. Le 2 février dernier, ses dirigeants étaient entendus par la commission des affaires sociales de l’Assemblée. Le discours de Philippe Charrier, PDG d’Orpea, et Jean-Christophe Romersi, directeur général France du groupe, n’a pas convaincu. L’affaire est un coup dur pour le groupe, qui annonçait 2 069,5 M€ de chiffre d’affaires au S1 2021, en hausse de +8,7 % dans son dernier rapport financier semestriel.

Les malheurs des uns font la prospérité des autres. D’après Les Echos, plus de 4 % du capital d’Orpea serait concerné par des prises de position vendeuses à découvert. Les fonds Tiger Global management, Gladstone capital management ou encore Marshall Wace sont ainsi entrés en lice depuis fin 2021. Les dernières polémiques sur les ventes d’actions de l’ex-patron d’Orpea pourraient renforcer la baisse du titre. Fin juillet dernier, Yves Le Masne avait vendu toutes ses actions du groupe pour plus de 500 000 euros. L’action valait alors plus de 107 euros, contre 35 euros aujourd’hui. Yves Le Masne a été limogé le 30 janvier dernier.

Un discrédit pour l’analyse ISR ?

La controverse Orpea ébranle le secteur de l’investissement ISR. Dans une société française qui vieillit, la dépendance et la silver economy sont des secteurs de prédilection des gérants en quête d’investissements responsables. En filigrane, c’est la crédibilité des agences de notation ESG qui est remise en cause. « La note ESG n’a envoyé aucun signal d’alerte aux gérants. Orpea était même classée première de sa catégorie ! » s’indigne Vincent Auriac, président d’Axylia, contacté par Le Courrier Financier. D’après lui, les agences ne vérifient pas de manière assez rigoureuse « dans la vraie vie » les informations données par les entreprises.

Si certains gérants ISR ont retiré Orpea de leurs portefeuilles, Mirova est une exception notable. La filiale de Natixis IM, spécialiste de la finance durable, a décidé ce mercredi 9 février de maintenir sa participation au capital d’Orpea. Mirova possède aujourd’hui près de 4 % du groupe de maisons de retraite — ce qui en fait le troisième actionnaire en termes de taille. La société de gestion réclame notamment « plus de transparence » pour continuer d’accompagner Orpea. Dans un communiqué publié le même jour, Philippe Charrier (PDG d’Orpea) a déclaré qu’il soumettrait au conseil d’administration l’ensemble des propositions de Mirova. Affaire à suivre.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

Voir tous les articles de Mathilde