Chine : la panique boursière laisse les investisseurs dans l’incertitude

Actualités - La semaine dernière, Pékin a annoncé une réforme de l'éducation — qui bouscule fortement le marché du soutien scolaire en Chine. Comment les investisseurs internationaux vont-ils s'adapter ? Quelles perspectives pour le secteur ? Le point avec Le Courrier Financier.

Chine : la panique boursière laisse les investisseurs dans l'incertitude

(Conception : Mathilde Hodouin – Réalisation : Amandine Victor)

Pékin a sifflé la fin de la récré. Ce vendredi 23 juillet, le Parti Communiste chinois (PCC) a annoncé une réforme secteur de l’éducation privée. Ce lundi 26 juillet, les champions du secteur ont dévissé en bourse. New Oriental Education (fournisseur chinois de services éducatifs privés) a ainsi reculé jusqu’à 40 % à la Bourse de Hong Kong ; Koolearn Technology (cours en ligne) a perdu 35 % en séance ; tandis que China Maple Leaf Educational (cours particulier pour intégrer les universités étrangères) a cédé 16 %. Jusqu’ici, l’industrie des cours particuliers en Chine était très prisée des investisseurs. Ce tour de vis sème donc l’incertitude.

We no need no education

Après avoir mis au pas le secteur de la Tech, le PCC réaffirme sa main-mise sur l’orientation économique de la Chine. L’industrie des cours privés représentait près de 260 milliards de dollars (220 milliards d’euros) en 2018 d’après une étude du cabinet d’étude L.E.K. Consulting. Un poids qui révèle toute l’importance que les Chinois accordent à la réussite scolaire, dans un pays où l’enseignement reste élitiste et très compétitif. Cette tendance a favorisé la naissance de géants de l’éducation privée cotés en bourse — et parfois aux Etats-Unis. Résultat, des écoliers surchargés de travail au gré des cours de soutien — et un coût de l’éducation prohibitif.

Ce contexte limite les naissances… Et cela n’arrange pas les affaires du PCC — qui tente de relancer la démographie. Pour y remédier, Pékin tape du poing sur la table. Les entreprises de soutien scolaire deviendront des associations à but non lucratif, et elles devront limiter le volume de cours de leurs élèves. Face à la panique boursière (- 10 % en trois séances à Hong Kong), Pékin réfute vouloir « détruire » l’éducation privée. « Les récentes réglementations introduites dans les secteurs de l’économie numérique et de l’éducation suscitent un certain scepticisme sur le marché », reconnaît ce mercredi 28 juillet l’agence de presse officielle Chine Nouvelle.

Dans la main du parti

D’après une note de Goldman Sachs, la taille du marché des cours de soutien scolaire en Chine devrait s’effondrer de 76 % — pour atteindre 24 milliards de dollars. « Les régulateurs chinois ont révisé les règles pour les groupes à la recherche d’introductions en bourse (IPO) aux États-Unis, après avoir ordonné un examen de la sécurité de l’application de covoiturage Didi Chuxing quelques jours seulement après son inscription de 4,4 milliards de dollars à New York le mois dernier », rapporte le Financial Times ce lundi 26 juillet. La Chine souhaite ainsi restreindre les investissements étrangers dans ses entreprises… et créer un précédent.

Par exemple, l’investisseur BlackRock — qui détenait 5 % du capital de New Oriental à Hong Kong en novembre 2020 — se retrouve dans l’impossibilité d’investir dans les entreprises qui couvrent les matières enseignées dans les programmes scolaires chinois. D’après Goldman Sachs, l’impact de la nouvelle réglementation sur les résultats de ces entreprises s’explique principalement par l’interdiction du soutien scolaire le weekend et pendant les vacances. Cette activité représente jusqu’à 80 % de leur chiffre d’affaires. En revanche, les nouvelles règles n’incluent ni l’éducation des adultes, ni la formation professionnelle et technique.

Retour de l’aversion au risque ?

L’ajustement du marché pourrait prendre trois à six mois, estime le directeur d’un fonds de Private Equity basé à Hong Kong — cité par le Financial Times. Les sociétés de capital-investissement devront déterminer s’il faut déprécier leurs investissements ou totalement les réamortir. Face à l’incertitude, les investisseurs pourraient se montrer plus prudents. L’aversion pour le risque pourrait revenir à la hausse. « Nous ne savons pas quel niveau de restructuration les entreprises pourraient subir avec un nouveau régime et, à notre avis, cela rend ces actions pratiquement non investissables », déclare J.P. Morgan.

L’attractivité du marché chinois à l’international va-t-il être entamé ? « Les fournisseurs d’indices boursiers vont certainement s’interroger sur la poursuite de l’inclusion des actions chinoises dans les grands indices mondiaux », prévient Xiadong Bao, gérant actions émergentes chez Edmond de Rothschild AM, ce mercredi 28 juillet dans une interview accordée aux Echos. Toutefois, les autorités de Pékin « ont tout intérêt à protéger le marché boursier local », estime-il. De quoi rassurer les investisseurs sur le long terme ?

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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