Chine/Etats-Unis : la peste porcine favorise les exportations américaines

Actualités - Cette semaine, Le Courrier Financier revient sur l'épizootie qui décime le cheptel de porcs en Chine. Face à la pénurie, le pays se tourne vers l'importation. Cette situation profite aux éleveurs de porcs américains, mais pour combien de temps ?

Chine/Etats-Unis : la peste porcine favorise les exportations américaines

(Conception : Mathilde Hodouin – Création : Charlotte Thomas)

La peste (…) faisait aux animaux la guerre. Dans l’astrologie chinoise, 2019 est l’année du cochon. Cet animal — symbole de prospérité — n’est pourtant pas à la fête dans l’empire du Milieu. En juin dernier dans un précédent dessin, Le Courrier Financier vous parlait de l’épidémie de peste porcine africaine (PPA) qui ravage la Chine. Depuis mi-2018, le mal s’est répandu sans que Pékin puisse l’arrêter. Au mois d’octobre 2019, le prix du porc enregistre une augmentation de +159 % en un an. Le gouvernement a dû puiser dans les réserves alimentaires stratégiques du pays, tout en incitant la population à « manger moins de viande ». La situation pousse la Chine à se tourner vers l’importation, notamment venue des Etats-Unis.

Excédent de porc aux Etats-Unis

« L’Amérique est assise sur une montagne de bacon non consommé », rapportait Bloomberg le 23 octobre dernier. Plus prosaïquement, les Etats-Unis ont atteint un niveau record de stocks de poitrine de porc. Très exactement 18 000 tonnes, conservées dans des entrepôts réfrigérés à la date du 30 septembre dernier, d’après les chiffres du département de l’Agriculture des États-Unis. Du jamais vu sur la même période depuis 1971. Cet amoncellement reflète l’augmentation du cheptel de porcs. Le 1er septembre dernier, le pays de l’Oncle Sam comptait 77,7 millions de têtes. C’est le chiffre le plus haut atteint depuis 1943, signe de l’impact du commerce international sur la production domestique américaine.

La Chine n’achète pas de bacon, mais plutôt des carcasses de porc entières qu’elle travaille ensuite sur son territoire. « En théorie, si nous continuons à exporter des carcasses découpées vers la Chine, cela créera une pénurie de poitrine de porc », explique Dennis Smith, responsable de compte chez Archer Financial Services, dans les colonnes de Bloomberg. Anticipant une hausse des exportations — déjà sensible au début du mois d’octobre 2019 — les éleveurs américains ont adapté leur production. Il y a un vide à combler. D’après certains experts, il manquerait 200 millions de porcs en Chine soit l’équivalent de la production annuelle de l’Union européenne (UE). Ce contexte contribue au ralentissement de la croissance chinoise.

Croissance chinoise au ralenti

La Chine a connu des années plus fastes. Au troisième trimestre 2019, la croissance du pays est tombée de +6,2 % à +6,0 % sur un an. Ce chiffre correspond à la fourchette basse de l’objectif — 6,0 % à 6,5 % — visé par les autorités cette année. Les prix à la production en Chine ont très fortement décliné cet automne, rapporte l’agence Reuters. D’après les statistiques officielles, publiées le 15 octobre dernier par le Bureau national de la statistique (BNS), l’indice des prix à la production (PPI) a chuté en septembre dernier de 1,2 % en rythme annuel, soit son déclin le plus important depuis juillet 2016. Selon les analystes, Pékin pourrait engager des mesures supplémentaires de soutien à l’économie.

Sur fond de pressions commerciales américaines, les perspectives restent peu optimistes. Par ailleurs, les données officielles chinoises montrent que l’indice des prix à la consommation (CPI) a progressé en septembre de 3 % en rythme annuel et battu le consensus qui ressortait à +2,9 %. Il s’agit de leur plus importante hausse depuis octobre 2013. L’inflation des produits alimentaires s’est accélérée avec un indice en hausse le mois dernier de 11,2 % en rythme annuel, contre 10 % en août. La pénurie de viande de porc pourrait survenir dès 2020. Pour faire face, les producteurs chinois misent sur des animaux de plus en plus gros. D’après Le Monde, certains pèseraient même jusqu’à 500 kilos ! En attendant, la maladie court toujours.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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