Brexit : la City de Londres prépare sa riposte financière

Actualités - Depuis le Brexit, Londres a perdu sa position de porte d'entrée financière vers l'Union européenne (UE). Actions à droit de vote multiple, IPO, SPACs... Un rapport britannique, dévoilé cette semaine, préconise une série de mesures radicales. La City va-t-elle déréguler massivement pour retrouver son attractivité ?

Brexit : la City de Londres prépare sa riposte financière

(Conception : Mathilde Hodouin – Réalisation : Amandine Victor)

*en anglais : « Nous reviendrons ».

Au Royaume-Uni, la City n’entend pas se laisser marginaliser par le Brexit. Deux mois après avoir quitté l’Union européenne (UE), Londres compte assouplir certaines règles financières. Objectif, regagner sa place de première place boursière européenne — un titre que lui a ravi Amsterdam pour les actions dès fin janvier 2021, rapporte Les Echos. Rishi Sunak, ministre des finances britannique, a dévoilé ce mercredi 3 mars une partie de son plan de bataille. En marge du Budget 2021, il a présenté un rapport commandé par le gouvernement britannique à l’ex-commissaire européen aux services financiers, Jonathan Hill.

Assouplir les règles de cotation

Les services financiers n’ont pas été inclus dans l’accord commercial qui est entré en vigueur fin décembre dernier. La Commission européenne n’a pas encore accordé d’équivalences réglementaires aux établissements financiers britanniques. Résultat, de nombreux gestionnaires d’actifs ont préféré transférer leur siège social européen sur le continent. « Près de 2 500 emplois ont d’ores et déjà été transférés et une cinquantaine d’entités britanniques autorisées, pour au moins 170 milliards d’euros d’actifs relocalisés en France à fin 2020 », a déclaré le Gouverneur de la Banque de France en janvier 2021, lors de ses vœux à la place financière.

En termes d’armes financières, le rapport préconise notamment d’alléger la réglementation sur les cotations. Il propose ainsi d’élargir l’usage des actions à droit de vote multiple, afin d’attirer les jeunes pousses de la tech. Ce système permet notamment aux fondateurs de ces entreprises de garder un contrôle plus étroit sur leurs sociétés. L’utilisation de ces actions reste limité au segment « standard » du London Stock Exchange (LSE) mais pourrait s’étendre au segment « premium ». Le rapport recommande cependant de limiter à 5 ans l’usage de ces actions à droit de vote multiple, afin de préserver l’équité entre les actionnaires.

Favoriser les IPO et les SPACs

Dans un objectif de compétitivité, le rapport recommande de simplifier les règles qui s’appliquent aux introduction en bourse (IPO). Il propose d’abaisser à 15 % l’ouverture minimale du capital contre 25 % actuellement. Autre sujet d’actualité, il suggère de libéraliser les règles sur les Special Purpose Acquisition Company (SPACs) — ces véhicules financiers sans activité opérationnelle et dédiés à l’acquisition d’entreprises. Ces produits très à la mode sur les marchés américains restent encore peu courants en Europe. De quoi faire face à la « rude concurrence » que représente l’UE, mais surtout les Etats-Unis et l’Asie.

Le nombre de sociétés cotées à la City a reculé de – 40 % depuis 2008. Le marché des SPACs « en sommeil » doit se réveiller, estime Jonathan Hill. En 2020, seuls 4 SPACs sont entrés sur le marché londonien. Dans le même temps, les Etats-Unis en ont enregistré 248. Il ne s’agit pas tant de prendre des mesures radicales que de s’ajuster aux réalités du monde moderne de la finance. De telles mesures seraient « cohérentes avec les pratiques qui existent dans des centres financiers bien régulés aux Etats-Unis en Asie et en Europe » estime l’auteur du rapport. Reste à savoir si ses recommandations seront bel et bien suivies d’effet dans les années à venir.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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