Le paradoxe des ETI : à la fois maillons forts et grandes oubliées de l’économie française

Responsabilité sociale - À moins de 100 jours du premier tour de l’élection présidentielle, les candidats commencent à décliner leur programme économique. Et les Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI) y font malheureusement figure de grands absents. Leurs faveurs se tournent plus volontiers vers la modernité des startups, le prestige des grandes entreprises ou la proximité offerte par les PME. Evidemment, il ne s’agit pas d’opposer ces acteurs économiques les uns aux autres : ils participent tous à la vitalité de l’économie française. Toutefois, il est légitime de s’interroger sur le peu d’intérêt suscité par une catégorie statistique qui emploie 3 millions de salariés, représente 39% du PIB, et réalise 34% des exportations !

D’autant plus qu’à l’étranger, les ETI jouissent d’une considération différente.

Le Mittelstand, un exemple à imiter ?

Consciente du lien existant entre la structure par taille des entreprises et la compétitivité de l’économie nationale, la puissance publique allemande a mis les ETI au cœur de sa politique économique. Regroupées sous le terme générique de Mittelstand, elles pèsent 45% du PIB, assurent 70% de l’emploi et bénéficient d’une politique fiscale sur mesure. Majoritairement aux mains de la famille fondatrice, elles peuvent être transmises d’une génération à une autre sans droit de succession à condition que l’héritier conserve la société pendant au moins sept ans. Est-ce cette politique qui est à l’origine des 12 000 ETI allemandes ? Ou est-ce plutôt le contraire ? Difficile à dire mais il n’en demeure pas moins que le contexte fiscal allemand favorise la performance de ces KMU.

L’instabilité fiscale une norme française qui fragilise les ETI

C’est peut-être sous l’effet de l’exemple germanique que la France a commencé à reconsidérer son soutien à ses ETI. Récemment la Banque Publique d’Investissement a créé le fonds ETI 2020. Doté de 3 milliards d’euros il doit les accompagner sur le long terme pour accélérer leur émergence et leur développement. Même si je salue cette initiative, en tant que patron d’une ETI je ne peux m’empêcher de pointer du doigt la schizophrénie française. Avec d’un côté un fonds de soutien agissant dans l’intérêt de notre développement et de l’autre une instabilité fiscale chronique qui nous fragilise depuis plus d’une décennie. Voyez vous-mêmes : 40 modifications de l’impôt sur les sociétés sont intervenues entre 2003 et 2008 et depuis 2012 la France a connu quatre régimes fiscaux ! Dans ces conditions, comment permettre aux PME et aux ETI de se projeter dans l’avenir afin de poursuivre leur croissance ?

Certainement pas en copiant-collant le cas allemand car celui-ci repose sur un modèle capitaliste familial – qui n’est pas le nôtre – et possède aussi ses propres limites. La culture du secret et l’enracinement local caractéristiques du Mittelstand se révèlent des handicaps à l’ère de la mondialisation et de l’information partagée. Alors que faire ?

Aux ETI de jouer leur propre partition

Tout d’abord ne nous lamentons pas sur notre sort. Gardons une juste vision de nos forces : nous constituons un ensemble de 5 000 entreprises au positionnement stratégique très favorable, dotées d’une grande agilité et au management innovant. La politique fiscale nationale ne nous donne pas d’avantages compétitifs ? À nous de stimuler notre propre croissance en approfondissant notre réflexion sur des sujets de fond.

Le numérique par exemple. Nous affrontons des rivaux anglais, américains ou allemands plus agiles que nous. Pour les contrecarrer sur ce domaine précis, nous devrions être plus nombreux à prendre le virage du numérique. Etant agiles et flexibles par nature, saisissons-nous de l’innovation.

L’international doit également occuper une place cardinale dans notre développement. Pour ce faire, posons-nous les bonnes questions : avons-nous les compétences suffisantes en interne ? À quel partenaire s’associer pour pénétrer un pays étranger ?

Toutes ces actions ne dépendent pas de la puissance publique, alors menons-les. Ensuite nous serons plus forts, plus légitimes pour exiger davantage de sa part. S’il existe bien un lien entre la structure par taille des entreprises et la compétitivité de l’économie nationale, la France avec ses 5 000 ETI souffre donc d’un déficit. Nous pouvons contribuer à le combler en nous fixant des objectifs ambitieux, en affichant une volonté inébranlable, en déployant des efforts soutenus et en inspirant les PME. C’est une question de patriotisme économique !