La France, ou l’éternelle tentation keynésienne

Responsabilité sociale - Les différents programmes des principaux candidats à l’élection présidentielle ont en commun d’être peu ou prou d’influence keynésienne. Aucun n’échappe à l’idée de relancer la demande intérieure en améliorant le pouvoir d’achat que ce soit sous la forme d’une baisse des impôts, d’une réduction des cotisations salariales ou d’une augmentation des prestations sociales.

Pour justifier ce retour du keynésianisme,certains mettent en avant que les calculs sur le multiplicateur budgétaire démontraient que les effets de la relance seraient plus importants que prévu. D’autres considèrent qu’après des années de relative rigueur, il est indispensable de redonner du « grain à moudre » aux salariés.

La rigueur à la française est un concept un peu particulier. En effet, à l’exception d’une courte période à la fin du siècle dernier et en 2007, la dette publique n’a pas cessé d’augmenter depuis 1981. Elle est ainsi passée en 35 ans de 21 à 97 % du PIB. Les politiques d’assainissement des comptes publics ont davantage reposé sur une augmentation des prélèvements que sur une réduction drastique des dépenses. Il était communément admis que les effets récessifs provoqués par une hausse des impôts ou des cotisations sociales étaient moindre qu’une baisse des dépenses publiques. Il en résulte un double record historique avec des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires qui ont respectivement atteint 57 et 45,7 % du PIB. Pour l’élection présidentielle de 2017, les candidats privilégient trois axes : la baisse des cotisations salariales, la réduction des impôts sur le bas des classes moyennes, et l’augmentation des minimas sociaux.

Emmanuel Macron comme François Fillon proposent de réduire les cotisations salariales dans un souci d’augmentation du pouvoir d’achat. Une partie de ce gain sera récupérée par l’augmentation de la TVA (2 points pour François Fillon) ou par le relèvement de la CSG (1,7 point pour Emmanuel Macron). Chez François Fillon, 10 milliards d’euros seraient affectés à la hausse du pouvoir d’achat.

Emmanuel Macron propose une augmentation du minimum vieillesse de 100 euros par mois. Il souhaite créer un versement social unique. Toutes les allocations sociales (APL, RSA, etc.) seraient versées le même jour du mois, un trimestre maximum après la constatation des revenus (contre jusqu’à 2 ans aujourd’hui). Il prévoit également d’étendre l’assurance-chômage aux non-salariés. Les salariés démissionnaires pourraient bénéficier, sous condition, d’une indemnisation.

Benoit Hamon a prévu, de son côté, d’instituer un revenu universel qui s’adressera à tous les travailleurs gagnant entre 0 et 2 800 euros brut ainsi qu’aux jeunes de 18 à 25 ans. 19 millions de personnes devraient en bénéficier. Le coût est évalué à 35 milliards d’euros. Benoit Hamon a proposé que les allocations familiales soient versées à partir du 1er enfant. Il souhaite revaloriser les minima sociaux de 10 %.

De son côté, Marine Le Pen entend favoriser le pouvoir d’achat en baissant de 10 % l’impôt sur le revenu sur les trois premières tranches. Elle prévoit également d’augmenter le plafond du quotient familial et de rétablir la demi-part des veuves et veufs ainsi que la défiscalisation de la majoration des pensions de retraite pour les parents de famille nombreuse. Les heures supplémentaires seraient défiscalisées et ouvriraient droit à majoration de salaire. Ces mesures visent à atténuer les effets des politiques mises en œuvre ces dix dernières années. Elles s’inscrivent dans le prolongement de celles présentées, depuis 2014, par François Hollande. Ce soutien à la demande peut-il contribuer à alimenter la croissance de l’économie française ? Rien n’est moins sûr.

En 2015 et 2016, la baisse du prix du pétrole a contribué à accroître le pouvoir d’achat des ménages. Ces derniers ont repris le chemin de la consommation mais pour le plus grand profit des importateurs. L’outil de production n’a pas été capable de répondre à l’augmentation de la demande. Il en a résulté, en 2016, une détérioration de la balance commerciale.

Les différentes mesures proposées par les candidats pèseront sur le niveau du déficit.

Tant François Fillon que Benoît Hamon ou Jean-Luc Mélenchon considèrent que, dans un premier temps, une dégradation des comptes publics est envisageable afin d’obtenir un surcroît de croissance. Cette augmentation des déficits pourrait provoquer une hausse des taux d’intérêt qui freinerait l’activité. Par ailleurs, le risque souverain français pourrait augmenter d’autant plus que le besoin en capitaux extérieurs serait accru par l’envolée du déficit commercial.

Le pari de l’accélération par la demande interne n’est donc pas sans danger. L’économie française souffre avant tout d’une sous compétitivité de l’offre. Sur ce sujet, une réduction des charges patronales est avancée par certains candidats (François Fillon et Emmanuel Macron). Le sous-investissement de ces dernières années et la non-montée en gamme de la production française pèsent sur la compétitivité.

Le débat sans fin sur le déficit d’offre ou de demande

Le FMI, l’OCDE ou la Commission européenne soulignent que la France est confrontée à une série de problèmes structurels : rigidité du droit du travail, insuffisance de la concurrence sur un certain nombre de marchés (distribution, transports en particulier). Problèmes qui contribuent à la baisse de la croissance potentielle. Selon l’OCDE, en état actuel, le taux de croissance potentiel de l’économie est de 1,1 % contre 1,8 % en 2000. Mais, ces mêmes organisations indiquent que celle-ci dépend de facteurs d’offre.

Par ailleurs, ces mêmes organisations indiquent que le niveau de production est inférieur à son potentiel, ce qui revient à admettre que la demande intérieure et extérieure est insuffisante. Le déficit de demande est chiffré par certains organismes à 2 %. La sous-utilisation des capacités production justifierait une relance. Le problème provient, et cela a été le cas en 2016, de l’augmentation de la demande intérieure profitant avant tout aux importations, ce qui semblerait confirmer que l’outil de production n’est pas en phase avec les besoins des consommateurs.

Philippe Crevel - Cercle de l'Epargne

Directeur

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