Études, Chômage, Logement, le retour des « Tanguy »

Patrimoine - Selon une récente enquête de l’INSEE, en 2013, en moyenne, près d’un jeune de moins de 30 ans vivait au moins un mois chez ses parents (46,1 %). Certains peuvent résider en permanence chez leurs parents quand d’autres peuvent également résider dans un autre logement ou dans un foyer d’étudiants ou de travailleurs. Néanmoins, 85,5 % des 18-24 ans et 92,8 % des 25-29 ans qui habitent chez leurs parents y vivent toute l’année ou presque.

La part des jeunes adultes vivant chez leurs parents décroît de façon continue avec l’âge, à mesure de leur insertion sur le marché du travail. Si deux jeunes adultes sur trois cohabitent entre 18 et 24 ans, un sur cinq est dans ce cas entre 25 et 29 ans.

Dans les DOM (hors Mayotte), le taux de cohabitation est plus élevé (63,3 %) qu’en métropole. Dans ces départements, habiter chez ses parents est plus fréquent quel que soit l’âge des enfants (77,3 % des 18 à 24 ans et 39,7 % des 25 à 29 ans), en partie du fait de taux d’emploi plus faibles. Des raisons culturelles et sociales peuvent également l’expliquer. Ainsi, en Guyane, les cohabitations entre parents et enfants sont fréquemment plus durables et dépourvues de ruptures significatives au cours de la vie

L’économie, le social et les études, les grands facteurs de la cohabitation

Le taux de cohabitation avec les parents a augmenté jusque dans les années 90 avec l’augmentation du nombre de jeunes accomplissant des études supérieures. Le nombre d’étudiants est passé de 851 000 à 2,4 millions de 1970 à 2013. D’autres facteurs ont conduit également à la progression du nombre de jeunes cohabitants. La crise du logement, l’augmentation des loyers, les difficultés croissantes d’insertion dans la vie professionnelle expliquent cette tendance. Par ailleurs, la réduction des conflits entre générations facilite la présence au sein du domicile familiale de jeunes majeurs. Dans les années 60 et 70, l’émancipation passait par la possession d’un logement. Aujourd’hui, cette règle demeure mais de manière moins intangible.

Recul de l’âge de l’installation des jeunes en couples

Une autre explication de l’augmentation des cohabitations provient du recul de l’âge de l’installation des jeunes en couples. Mais cette installation conduit à un changement de domicile. Seuls 1,5 % des 18-24 ans et 5,2 % des 25-29 ans vivent en couple chez les parents de l’un des deux membres. La stabilisation des relations sentimentales intervient de plus en plus tard. Si, autrefois, le mariage était l’événement qui marquait la séparation avec ses parents, son recul a modifié les comportements.  Ces proportions étaient un peu plus élevées il y a 40 ans, mais la part des jeunes adultes vivant en couple était alors plus importante. Par ailleurs, leur plus grande mobilité, tant au niveau des études qu’au niveau professionnel, conduit les jeunes à conserver des attaches avec leur domicile familial.

La baisse du nombre de cohabitants dans les années 90 est liée au développement des aides personnelles au logement qui ont permis aux jeunes de prendre leur indépendance vis-à-vis de leurs parents. La remontée du nombre de jeunes habitants chez leurs parents depuis 2006 est imputable à la dégradation de la situation économique. Le fort taux de chômage, proche de 25 % depuis 2012, en constitue l’une des principales explications. L’indépendance résidentielle intervient en effet au moment de l’accès à l’emploi. Par ailleurs, durant les périodes de faible croissance, les jeunes sont incités à allonger leurs études tant pour retarder l’arrivée sur le marché du travail que pour améliorer leur niveau de formation. L’augmentation des prix de l’immobilier, très rapide depuis une dizaine d’années, freine l’accès au logement des jeunes qu’ils soient étudiants ou actifs.

Les parents contribuent au financement du logement de leurs enfants

Les jeunes adultes qui ont quitté le domicile parental reçoivent une aide financière de leurs parents soit sous forme d’une aide directe et régulière, soit sous forme d’une pension alimentaire ou du paiement du loyer. Le soutien financier des parents diminue avec l’âge. 68,6 % des 18-19 ans vivant en logement indépendant reçoivent une aide régulière, contre 9,7 % des 24-25 ans et 3,4 % des 28-29 ans. Parmi les plus jeunes, ce sont surtout les étudiants qui bénéficient de cette aide. Chez les 25-29 ans, ce sont surtout les chômeurs.

Les « Tanguy »

Au-delà de 30 ans, à peine 2 % de personnes cohabitent encore avec leurs parents. Ils sont alors plus souvent (12 %) les occupants en titre du logement que les moins de 30 ans (moins de 5 %).

85 % des personnes qui logent chez leurs parents ne sont jamais parties vivre ailleurs. 15 % effectuent des allers-retours du fait d’une perte d’un emploi, d’un divorce ou d’une séparation. La nécessité de venir en aide à un parent en situation de maladie ou de dépendance explique également le retour au sein du domicile parental.

Les cas de retour chez les parents ne constituent pas uniquement des situations transitoires. Pour près de 80 % des plus de 30 ans concernés, ce retour dure au moins un an.

Cohabitation volontaire et cohabitation subie

Neuf personnes sur dix qui ont toujours habité chez leurs parents n’envisagent pas de s’installer dans un logement indépendant au cours des 6 mois à venir. La plupart, notamment les plus jeunes, ne disposent pas de moyens financiers suffisants pour cela, même en bénéficiant d’une aide familiale. Même s’ils avaient les moyens financiers pour partir, près des trois cinquièmes resteraient chez leurs parents.

La situation de ceux qui sont revenus vivre chez leurs parents pour d’autres raisons que pour y passer les vacances est différente. Au sein des moins de 30 ans, 40 % envisagent de partir à court terme, la moitié n’en ayant cependant pas les moyens financiers. La majorité de ceux qui n’envisagent pas de partir manquent des moyens financiers nécessaires. S’ils disposaient de ces moyens, une large part d’entre eux quitterait le logement parental (74 % avant 30 ans, 58 % à partir de 30 ans).

Philippe Crevel - Cercle de l'Epargne

Directeur

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