Pour un Big Bang de l’Epargne !

Patrimoine - Depuis des années, la Cour des comptes critique le régime fiscal de l’épargne. Ce dernier, manquant cruellement de cohérence, a, en outre, l’inconvénient de coûter très cher. Il conduit à une mauvaise allocation de l’épargne, ce qui nuit à l’ensemble de l’économie.

L’épargne des Français est avant tout une épargne liquide investie sur des produits dits sans risque. Avec le retour de la croissance et la fin des politiques monétaires non conventionnelles, les taux d’intérêt, après avoir atteint des points historiquement bas en 2016, remonteront dans les prochaines années. Les épargnants français qui ont, ces vingt dernières années, privilégié les fonds euros de l’assurance-vie sont évidemment exposés à ce retournement du marché obligataire.

Tout concourt donc à une remise à plat de ce régime fiscal

Aujourd’hui, tous les compartiments de l’épargne sont aidés, à commencer par l’épargne à court terme qui bénéficie d’un soutien important dont le coût dépasse le milliard d’euros. Un couple avec deux enfants pourra ainsi placer en franchise totale de prélèvements plus de 100 000 euros sur des produits d’épargne réglementée. Nous sommes alors loin de l’épargne populaire et de l’épargne de précaution, le patrimoine financier moyen étant de 100 000 euros. Les produits de long terme n’ont pas reçu un soutien aussi important avec des incitations portant sur l’impôt sur le revenu mais pas sur les prélèvements sociaux. Il en est ainsi pour le Plan d’Épargne en Actions, l’épargne retraite ou l’assurance-vie. Le Premier Ministre, Édouard Philippe, a, lors de sa déclaration de politique générale, confirmé son intention d’instituer un prélèvement libératoire applicable à tous les produits d’épargne. Cette taxe dont le taux avoisinerait 30 % ne concernerait pas l’épargne réglementée.

En 2012, François Hollande avait décidé d’assujettir les revenus de l’épargne au barème de l’impôt sur le revenu selon le principe qu’il ne pouvait y avoir de traitement différencié avec ceux du travail. Cela a abouti à taxer certains revenus de l’épargne à près de 60 %, sachant que le capital dont ils sont l’émanation pouvait être également soumis à l’ISF. Ainsi, la rentabilité de certains produits d’épargne est devenue négative. Cette décision s’est révélée assez contre-productive sur le plan économique. Au moment où le pays avait besoin d’investir, de préparer l’avenir afin de restaurer sa compétitivité et de faire face au vieillissement de sa population, les pouvoirs publics pénalisaient l’épargne en actions, l’épargne à risques et à long terme. La directive Solvency II transposée de manière stricte a accentué cette tendance.

La loi Sapin II a réglé, en partie, les contraintes liées à Solvency II en autorisant les assureurs à créer des Institutions de Retraite Professionnelle

L’introduction d’un prélèvement libératoire combiné à la sortie des placements financiers de l’assiette de l’ISF favorisera, de son côté, une épargne productive. Il conviendra de veiller à ce que ce changement de régime fiscal n’aboutisse pas, une fois de plus, à aider les produits de taux et l’épargne de court terme. Les revenus, qu’ils soient issus de placements à court ou à long terme seront traités, avec la Flat Tax, de la même manière. Si en termes de neutralité économique, cela est intéressant, cela peut avoir quelques effets pervers. Ainsi, les rachats effectués sur des contrats d’assurance-vie de moins de 4 ans seront, en cas d’application de la Flat Tax, plus intéressants que le régime actuel. En cas de remontée des taux, ce nouveau régime fiscal pourrait conduire à des transferts déstabilisant au sein de l’assurance-vie.

Un véritable big-bang fiscal de l’épargne suppose, par ailleurs, que l’effort des pouvoirs publics soit concentré sur les placements longs, actions et épargne-retraite. Les plafonds d’exonération de l’épargne réglementée devraient être abaissés. Une simplification du régime des plus-values s’impose également avec des délais harmonisés en ce qui concerne la fiscalité et les prélèvements sociaux. Par ailleurs, les délais d’exonération devraient être raccourcis afin de favoriser la mobilité du capital.

Le big-bang fiscal ne peut intervenir qu’en début de législature, faute de quoi les tensions au sein de la majorité et au sein de l’opinion se feront jour avec le temps et empêcheront les pouvoirs publics de l’appliquer. En outre, la modification des comportements des épargnants ne se réalise par d’un coup de baguette magique. L’épargne repose avant tout sur la confiance. Il ne faut pas oublier que c’est une renonciation au temps présent. C’est un pari sur l’avenir. C’est pourquoi la stabilité fiscale est le meilleur compagnon de l’épargnant.

Jean-Pierre Thomas

Président du Cercle de l'Epargne

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