Scandale Aristophil : première décision favorable aux victimes

Patrimoine - Affaire Aristophil : avantage aux plaignants ! Au terme d’une première audience, le tribunal a rejeté massivement les demandes de la Société Générale, défendant aux côtés du CIC ; une décision de bon augure pour les investisseurs.

Fin 2014, le château de cartes s’écroulait et la supercherie était dévoilée au grand jour. Gérard Lhéritier, fondateur de la société Aristophil, était mis en examen pour des faits de pratiques commerciales trompeuses et escroquerie en bande organisée, auxquels s’ajoutaient, quelques mois plus tard, ceux d’abus de confiance, abus de biens sociaux et blanchiment de produit d’escroquerie. En février 2015, la société faisait l’objet d’une procédure de redressement puis de liquidation judiciaire.

Fondée en 2000, Aristophil proposait aux épargnants d’acquérir, en indivision, des parts de fonds propriétaires de documents rares et objets d’art anciens. De précieux écrits des mains de personnages célèbres, des trésors épistolaires des grands noms de la littérature, des autographes de vedettes contemporaines ou encore des mémoires manuscrites d’événements historiques majeurs (telles que le contrat de mariage de Napoléon et Joséphine) composaient la collection d’Aristophil, riche de plus de 130 000 pièces.

Comment Aristophil attirait-il les épargnants ?

Au-delà de l’évident attrait historique des lettres et objets, la société promettait à termes un retour intégral du capital investi et un rendement de plus de 8% par an. Les éventuels sceptiques étaient rassérénés par l’existence du Musée des Lettres et Manuscrits, propriété d’Aristophil, à Paris. Les oeuvres étaient conservées par la société, chargée de les exploiter dans le cadre de prêts à des musées.

Après une première instruction avortée fin 2011, une mise en garde de l’AMF en 2012, une enquête préliminaire est ouverte en 2014 et met au jour les procédés d’Aristophil. Gérard Lhéritier est alors soupçonné de rémunérer les anciens investisseurs avec l’argent des nouveaux entrants, suivant le modèle de la pyramide de Ponzi, rendu célèbre par l’affaire Madoff.

Ce n’est pas la première fois que le nom de Gérard Lhéritier est cité dans une affaire d’escroquerie. En 1996, à Monaco, il était déjà mis en examen et placé en détention provisoire pour ce même chef d’accusation. À l’époque, il était soupçonné d’avoir détourné 3 millions d’euros au préjudice de ses clients. Finalement, le juge sera dessaisi du dossier et Gérard Lhéritier relaxé après 15 ans de procédure.

Le rôle obscur des partenaires bancaires

Au total, plus de 18 000 investisseurs auraient été lésés dans l’affaire Aristophil. Près de 3000 d’entre eux ont fait assigner la Société Générale et le Crédit Industriel et Commercial devant le Tribunal de Grande Instance de Paris. Dans le cadre de procédures similaires, la Cour de Cassation avait rendu une décision (du 22 novembre 2011) qui établissait la responsabilité des banques, et ainsi créé une jurisprudence.

Rejetant en bloc les accusations de responsabilité, la Société Générale et le CIC ont joué, entre autres, sur les vices de procédure en invoquant la nullité des assignations, et plaidé pour un sursis, en attendant l’issue de la procédure pénale. Le Tribunal de Grande Instance de Paris a débouté les demandes des deux établissements et ainsi donné gain de cause aux plaignants dans ce premier volet de la procédure.

Le cabinet d’avocat Lecoq-Vallon & Feron-Poloni, l’instigateur de cette procédure qui défend actuellement 3000 des victimes de l’escroquerie, signe ainsi un premier succès dans cette saga judiciaire, qui sonne comme une bonne nouvelle pour les épargnants abusés.

L’affaire est renvoyée au 22 février prochain pour dépôt des conclusions des banques sur le fond des accusations. D’ici là, une partie des manuscrits d’Aristophil sera mise en vente aux enchères, le 20 décembre prochain.

Roxane Nojac - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (avril 2016 - janvier 2019)

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