Trump peut-il mettre la main sur la Réserve fédérale?

Asset Management - Donald Trump est en position d’imposer une refonte totale du Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale américaine. Il pourrait très bien décider qu’une banque centrale accommodante correspond mieux à ses objectifs politiques.

Les investisseurs tiennent pour acquis que le redressement de l’économie américaine entraînera un durcissement progressif de la politique monétaire de la Réserve fédérale (Fed), en particulier si les politiques proposées par le nouveau président déclenchent un rebond.

Ils oublient toutefois un élément : Trump a le pouvoir de modifier le Conseil des gouverneurs de la Fed afin de le mettre au service de ses objectifs politiques. Une Fed version Trump pourrait potentiellement adopter à l’égard de l’inflation une approche qui n’aurait jamais été aussi laxiste depuis les années 1970.

Avec la démission de Daniel Tarullo, effective depuis le 5 avril, Trump peut pourvoir trois des sept sièges vacants du Conseil. Or, le renouvellement des postes de président et de vice-président l’année prochaine pourrait porter ce chiffre à cinq à compter du second semestre 2018. La présidente actuelle de la Fed, que Trump n’a jamais portée dans son cœur, pourrait en effet quitter l’institution en compagnie de son proche allié et vice-président de la Fed Stanley Fischer en cas de non-reconduction de leurs mandats.

Depuis une cinquantaine d’années, le délai nécessaire pour pourvoir les postes de gouverneurs de la Fed a nettement augmenté. Dans les années 1970, le délai moyen de vacance des sièges était de 88 jours par an. Dans les années 2000, ce chiffre atteignait 463 jours. Et depuis 2010, il ne cesse de croître. L’allongement du délai de vacance suggère que des manœuvres politiques supplémentaires sont nécessaires pour pourvoir les postes.

Par ailleurs, la réduction de la durée des mandats de la Fed suggère une érosion de son indépendance. Dans les années 1960, les mandats des gouverneurs duraient en moyenne 3275 jours. Ceux qui entraient en fonction dans les années 2000 restaient en moyenne moins de 1900 jours; un chiffre qui a encore baissé dans les années 2010 (à supposer que Janet Yellen et Stanley Fischer démissionnent à la fin de leur dernier mandat, et en excluant les deux membres actuels Lael Brainard et Jerome Powell).

La situation politique déjà délicate de la Fed a été encore fragilisée par la démission du président de la Fed de Richmond Jeffrey Lacker début avril, en raison de son implication dans de possibles fuites concernant les décisions de politique monétaire de la Fed à un cabinet de conseil en investissements en 2012.

Ajoutons également que la Fed n’est pas immunisée contre les dernières idées à la mode. Ce qui était acceptable dans les années 1970 était devenu un anathème dans les années 1990. Jadis, les banques centrales redoutaient une croissance trop rapide de leur bilan. Pourtant, après la crise financière mondiale, les achats massifs d’actifs sont devenus un outil de politique monétaire comme un autre.

L’inflation pourrait donc encore revenir au goût du jour, en particulier si elle bénéficiait d’un soutien politique. Dans une telle éventualité, il serait alors temps de réduire les positions en obligations nominales et de se couvrir contre une hausse des cours en investissant dans l’or, les obligations indexées sur l’inflation et les actifs immobiliers.

Steve Donzé - Pictet AM

Senior Macro Strategist

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