Un seul être apparaît et tout parait être chamboulé !

Asset Management - Arrêtons-nous sur les mouvements de marché, observés hier au soir : trois centimes de hausse du rendement à 10 ans d’un titre d’Etat américain et un certain raffermissement du dollar contre toutes devises. La raison n’est pas à chercher dans la publication d’un énième indicateur montrant que la croissance économique se porte bien.

Même si ce fût le cas en début d’après-midi, avec les bons résultats de l’enquête d’octobre de la Fed de New York auprès du secteur manufacturier. En fait, les marchés ont réagi à l’information selon laquelle Donald Trump aurait été favorablement impressionné par John Taylor. Le Président recevait l’économiste, dans la cadre du processus de sélection du nouveau responsable de la banque centrale.
L’apparition de John Taylor parmi les favoris supposés pour remplir le poste de Chair Person du Board of governors  de la Fed participe d’un questionnement (n’allons pas encore jusqu’à parler de remise en cause) des anticipations de marché concernant la politique monétaire américaine. John Taylor est d’abord l’homme de la règle de Taylor, celle qui « mécaniquement » relie le niveau du taux directeur à l’état de l’économie à un moment donné. Cette préférence pour une politique monétaire davantage guidée par la règle plutôt que par le jugement (le fameux débat Rules versus Discretion, qui agite les milieux académiques  et les banquiers centraux depuis les années 30) avait été notée comme une des rares expressions sur le sujet de la campagne du candidat Trump en 2016. Et encore venait-elle de son entourage plutôt que de sa personne.
Où en serait-on en matière de niveau du taux directeur, si on appliquait la règle de Taylor ? Beaucoup plus haut que là où les Etats-Unis en sont aujourd’hui : 3,74%, pour être précis et selon les calculs de Bloomberg, contre donc 1,125%. Cela fait une si grosse différence que cela paraît discréditer l’idée de suivre une telle approche. N’allons cependant pas trop vite en besogne.Sans doute faut-il distinguer le principe d’une politique monétaire fondée sur l’application d’une règle et le choix de la règle à suivre. Commençons par ce deuxième point. S’il y a la règle, telle que définie par John Taylor en 1993, nombre de variantes sont apparues par la suite. Tant et si bien que le niveau-cible pour le taux directeur peut varier de beaucoup. Un travail de la Fed de Cleveland  de juillet 2016 pointait un choix des possibles entre 0 et 3%. En fait, c’est le premier point qui mérite le plus d’attention : la pratique de la politique monétaire devrait intégrer  plus qu’actuellement la référence à des règles. Pourquoi cela ? Probablement pas parce qu’existe une conviction forte que cela sera plus efficace. Vraisemblablement davantage car cela accroîtra la transparence du processus de décision de la Fed. Il s’agit d’une demande récurrente du Parti républicain. En sachant bien que l’étape suivante doit être, aux yeux de nombre de caciques du Great Old Party, plus de responsabilité de la Fed devant le Congrès. Pour eux, les Congressmen (et women) devraient pouvoir auditer toutes les activités de la banque centrale. Ce n’est pas le cas à l’heure actuelle de la politique monétaire.
L’hypothèse que le choix  du Président du Board  de la Fed  réponde aussi  à une préoccupation de nature politique peut mettre mal à l’aise. Néanmoins, et vu du marché, l’essentiel est de savoir si la fonction de réaction de la banque centrale va changer ou pas. Celui-ci avait compris, avec une éventuelle préférence donnée à Yellen, Powell, voire Warsh, qu’un insider serait nommé à la tête de la Fed et qu’à ce titre une logique de continuité apparaitrait. Si John Taylor intègre le « petit monde » des favoris, alors il faut se dire que la fonction de réaction pourrait changer. Et le réflexe, même s’il est exagéré, est de considérer que les taux d’intérêt pourraient être plus élevés.