Mystérieuse inflation

Asset Management - Les résultats des enquêtes de conjoncture de décembre ont redonné confiance à la communauté financière. La phase de croissance économique, à la fois de bon niveau et synchronisée entre les grandes régions du monde, reste en place. N’est-ce pas une invite à continuer de privilégier les actifs risqués dans les portefeuilles ? Résumons ce tempo favorable de l’économie mondiale par un chiffre. Le mois dernier, l’indice PMI monde pour le secteur manufacturier s’est positionné à 54,5, soit le plus haut niveau depuis mars 2011.

Fort de cette conviction d’une économie mondiale qui continue à bien se comporter et à un moment de débat sur les marchés au sujet de la normalisation des politiques monétaires (le rythme de remontée du taux directeur aux Etats-Unis, l’arrêt du QE en Zone Euro, le ralentissement de la base monétaire au Japon et l’impression d’un resserrement en « pente douce » en Chine), l’attention ne peut se porter que sur le « chainon manquant », à savoir l’inflation. Son accélération serait cohérente avec une situation caractérisée par, à la fois, suffisamment de croissance et le comblement du retard accumulé au cours des longues années ayant suivi la « grande récession ». Elle consoliderait aussi la conclusion des discussions sur les initiatives que les banques centrales doivent prendre : normaliser s’impose.

En la matière, la journée qui débute va pleinement s’inscrire au cœur de cette problématique. Avec la publication ce matin des prix à la consommation en Zone Euro pour le mois de décembre et cet après-midi du coût salarial aux Etats-Unis (toujours pour le même mois et au sein de la batterie de statistiques sur l’état du marché du travail). En guise d’appetizer, retenons la conviction exprimée hier par James Bullard, le Président du district de Saint Louis de la Réserve fédérale américaine : « un marché de l’emploi tendu, avec un taux de chômage orienté à la baisse, ne feront probablement pas bouger le profil des prix parce que les anticipations inflationnistes sont solidement ancrées par un ciblage explicite de l’inflation ». A priori ce n’est pas très encourageant, même de la part d’un dove anciennement davantage hawk !

Du côté de la Zone Euro, les chiffres ne devraient, de fait, pas être « folichons »

Le glissement sur un an de l’indice d’ensemble des prix à la consommation s’inscrirait à +1,4% selon le consensus des économistes de marché pour le mois de décembre, après +1,5% en novembre. Pour ce qui est du noyau dur, le mouvement serait de la même ampleur mesurée, mais de sens contraire : +1,0% après +0,9%. Si on se focalise sur le noyau dur, l’accélération se poursuivrait à petits pas et de façon un peu heurtée. Ce n’est probablement pas avant la fin de l’année que le glissement sur un an approcherait le niveau de 1,5%. En attendant, au-delà de la volatilité de la série, il faudra se contenter de tenter de repérer la timide tendance anticipée à l’accélération et de se convaincre que dans un environnement porteur en termes de croissance économique des chiffres d’inflation se rapprochant progressivement de la cible de la BCE (2% l’an) sont l’hypothèse centrale à retenir. Il y a ici de quoi alimenter le débat de politique monétaire (dans un sens et dans l’autre).

Passons aux Etats-Unis. Les informations à disposition font attendre un chiffre de créations d’emplois autour de 200 000 pour décembre. Si on se rappelle que la moyenne mobile arrêtée à novembre (peu importe qu’elle soit à 3, 6 ou 12 mois) est autour de 170 000, il s’agira d’un bon chiffre, confortant les bonnes dispositions du moment du marché en matière de croissance économique américaine. Pour autant, doit-on s’attendre à une inflexion haussière du glissement sur un an du salaire horaire ?  Pas aux yeux du consensus des économistes ; il resterait à 2,5. Doit-on alors se dire que l’anticipation d’une accélération est vaine ? Sans doute pas, car la relation entre chômage et salaire est davantage distendue que cassée. L’accélération se fait à « petits pas ». Un peu comme en Zone Euro, il faudra faire preuve de patience pour ce qui est de l’accélération du noyau dur des prix à la consommation. « Flirter » avec la barre des 2% n’interviendra pas avant l’automne prochain. Avec sans doute les mêmes conclusions en termes de débat de politique monétaire.

Un dernier point à noter dans le cas américain : selon l’édition du jour du Financial Times, « les investisseurs placent de l’argent dans des fonds apportant une protection contre davantage d’inflation ». Mais pourquoi alors le marché a-t-il bien du mal à partager les projections de la Fed de 3 hausses de 25 centimes du taux directeur en 2018 et encore 2 en 2019 (il n’en voit que 2 puis plus rien) ?