L’investissement des entreprises, toujours le maillon faible

Asset Management - L’engagement d’un véritable cycle de croissance au sein des pays avancés suppose une réelle reprise de l’investissement des entreprises.

Depuis la crise de 2008, l’investissement enregistre de faibles taux de progression. Si aux Etats-Unis, le niveau en volume de l’investissement a dépassé dès 2014 celui de 2008, il a fallu attendre 2016 pour la zone euro. Aux Etats-Unis, avec le recul du prix du pétrole à partir de 2014, la croissance de l’investissement des entreprises est devenue nulle. Au sein de la zone euro, le taux de progression, malgré les taux d’intérêt très bas, reste faible. Quels facteurs jouent contre l’investissement ?

Une croissance érodée

Les dirigeants d’entreprise investiraient avec parcimonie du fait de l’affaissement de la croissance potentielle. Celui-ci est notamment lié à la diminution de la croissance voire à la contraction de la population dans un grand nombre de pays. L’augmentation des dépenses sociales et des prélèvements constitue également un frein à la croissance. La demande au sein des pays avancés progresse moins vite et repose sur le renouvellement. Par ailleurs, la réduction des dépenses d’investissement contribue elle-même à la réduction de la croissance potentielle et alimente ainsi un cercle vicieux. La croissance potentielle serait orientée à la baisse en raison de moindres gains de productivité et d’une plus faible efficience de la recherche.

Le poids des menaces internationales

La prudence des chefs d’entreprise s’expliquerait également par la montée des incertitudes au niveau internationale. Les tensions avec la Russie, les évènements au Moyen Orient, le Brexit, l’arrivée de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis ainsi que les prochaines élections européennes constituent autant de raisons pour reporter des investissements. Les risques de change rendent, par ailleurs, complexes les calculs de rentabilité en cas d’exportation d’une partie de la production. En outre, les tentations protectionnistes participent à la montée de ces incertitudes.

Chat échaudé craint l’eau froide

L’aversion aux risques des dirigeants d’entreprise et des investisseurs a, depuis la crise de 2008, augmenté. Les entreprises privilégient la distribution de dividendes et le rachat d’actions afin de favoriser les cours. Les investissements réalisés sont souvent d’ordre défensif ou limités afin de conserver les parts de marché. Le digital a entraîné un surcroit d’investissement aux Etats-Unis et au Royaume-Uni mais pas au sein de la zone euro où un rattrapage est attendu.

Une économie plus tertiaire

La baisse de l’investissement s’explique enfin par le changement de structures des économies des pays avancés. Le poids de l’industrie y a fortement reculé ces vingt dernières années avec son transfert, en partie, au sein des pays émergents. Le secteur tertiaire représente au sein de l’OCDE plus de 75 % du PIB. Or, le secteur tertiaire est moins générateur d’investissement que le secteur industriel. Par ailleurs, l’investissement est de plus en plus immatériel et donc moins bien identifié. Les économies avancées se sont spécialisées dans la recherche, le process, le marketing, la communication, la production étant réalisée par des entités au sein des pays émergents. Certes, avec la digitalisation de certaines tâches intellectuelles, le secteur tertiaire est amené à réaliser des investissements (informatique, robotique). En raison de l’éclatement de ce secteur et du grand nombre d’entreprises qui le composent, la montée en puissance de l’investissement y est plus lente que dans l’industrie.

Philippe Crevel - Cercle de l'Epargne

Directeur

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