L’Europe : bien plus qu’une zone refuge

Asset Management - Dans un environnement caractérisé par de fortes turbulences, les actions européennes accusent une baisse de plus de 10% depuis le début de l’année, soit le début d’année le plus morose depuis 40 ans. Ce mauvais démarrage peut conduire les investisseurs à redouter le pire sur les marchés en 2016. S’ils sont dans le rouge, doivent-ils pour autant broyer du noir ? Analyse

L’Europe reste clairement une région attractive pour investir en actions, avec la visibilité qu’offre la baisse de l’euro, du pétrole et des taux d’intérêt. L’amélioration de la conjoncture bénéficie également du cycle budgétaire avec moins d’austérité et la reprise du crédit sous l’effet de la politique monétaire de la BCE. Il faut noter la bonne santé des entreprises européennes qui n’ont pas cessé de se restructurer depuis 2009, ce qui se traduit par une plus grande solidité de leurs résultats, déroulée en deux temps. D’abord, une croissance bénéficiaire en 2015 grâce à une bonne tenue des marges sous le triple effet des taux, du change et du pétrole. Puis, pour 2016, un effet multiplicateur impactera les résultats pour les entreprises les mieux à même de capter la reprise en cours dans la zone euro.

Les dernières publications trimestrielles ne valident pas les craintes de ralentissement du marché. Les turbulences des marchés ne sont pas de nature à faire dérailler la reprise de la croissance en zone euro. Cette croissance, même faible, appliquée à des entreprises saines et fortement restructurées peut produire des effets de levier significatifs, et ce d’autant plus que ces entreprises sont domestiques. Le stress sur le secteur bancaire nous semble excessif: il n’est en aucun cas le prélude à une crise systémique comme en 2008. Des années de réglementation ont renforcé les bilans (en écrasant la rentabilité…) et la BCE s’est donné comme mandat de faire repartir le crédit. Il n’est pas exclu que des mesures soient prises pour soutenir le secteur en mars prochain.

Dans ce contexte de taux bas et de croissance mondiale faible, je privilégie les valeurs de rendement, pas tant celles qui offrent les rendements les plus élevés, souvent en risque, que celles qui génèrent un cash-flow significativement excédentaire au regard du financement de leur croissance, ce qui autorise un retour à l’actionnaire en progression. Un titre comme Publicis a fait croître en moyenne son free cash-flow de 8 % depuis 2005. Sur la même période, son dividende a crû de 16% par an. Le secteur des télécoms, aux débouchés essentiellement européens, n’est pas affecté par les doutes sur la croissance chinoise ou sur la pertinence de la politique monétaire américaine. Après la stabilisation de ses marges, un titre comme Orange commence à enregistrer ses premiers trimestres de croissance de ses revenus et envisage même de revoir favorablement sa politique de dividende, sans compter sur la consolidation du marché français, massivement créatrice de valeur pour l’ensemble des acteurs.

Dans une approche Value, je favorise également les valeurs domestiques, dont les valorisations restent attractives, en nous concentrant sur les entreprises en restructurations, qui devraient bénéficier d’un effet démultiplicateur d’une reprise de la croissance. C’est notamment le cas d’Eiffage qui réalise 83% de ses ventes en France. La dynamique de son activité travaux, commandes liées au « Grand Paris », le potentiel de rattrapage des marges par rapport à son concurrent Vinci, la reprise du trafic des concessions, ainsi que la baisse des frais financiers font partie des atouts de la société. Autre exemple, Peugeot est, avec Renault, le constructeur le plus exposé à la reprise du marché automobile européen. Ayant achevé sa restructuration, implémentée avec succès par Carlos Tavares, l’entreprise s’avère bien positionnée pour continuer à bénéficier de la reprise du marché automobile européen.

Pierre Nebout - Edmond de Rothschild

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