Japon : une éclaircie au pays du soleil levant

Asset Management

Les statistiques positives se multiplient, est-ce le signe d’une amélioration de l’économie japonaise ?

Depuis la fin de l’été 2016, les exportations japonaises ont commencé à reprendre des couleurs, bénéficiant de la stabilisation de la croissance chinoise dans un premier temps, puis des effets d’un nouvel affaiblissement du yen suite aux nouvelles mesures d’assouplissement monétaire prises en septembre, affaiblissement amplifié par l’élection de M. Trump en novembre. Cette amélioration de la demande extérieure se traduit, dans un premier temps, par une réduction des stocks dans l’industrie puis un redémarrage de la production (graphique 1). Les entreprises manufacturières exportatrices constatent une amélioration sensible de leurs perspectives, qui explique la progression du marché d’actions. Les premiers indicateurs de redressement des dépenses d’investissement apparaissent, avec pour finir un investissement en équipement en progression de 0,9% sur le dernier trimestre 2016, confirmant la tendance récente des commandes mensuelles de machines. La croissance du PIB finit l’année 2016 en hausse de 1,6% sur un an, alors même que le potentiel de croissance est évalué à 0,8% par le gouvernement. Mais des inquiétudes sur la pérennité de cette reprise persistent.

Quelles sont ces inquiétudes ?

Toute la première phase de redémarrage de l’économie japonaise a fonctionné au mieux. En revanche, et c’est là le sujet d’inquiétude, on ne voit pas de relais de croissance par la demande des ménages. Difficile dans ces conditions d’envisager une croissance solide et durable. En effet, lourdement affectée par la hausse de la TVA en avril 2014, la consommation des ménages n’a toujours pas retrouvé un rythme de croissance satisfaisant. La consommation privée, qui représente 58,5% du PIB n’a crû que de 0,4% sur l’ensemble de l’année 2016. Les dernières données mensuelles sont encore très hésitantes. Le gouvernement a repoussé la prochaine hausse de TVA d’avril 2017 à octobre 2019. Par ailleurs, l’économie est quasiment au plein emploi avec un taux de chômage de 3,1% en moyenne sur l’année 2016 et les enquêtes de confiance des ménages se sont redressées et stabilisées au-dessus de leurs moyennes historiques. La seule explication de cette frilosité de la consommation repose sur la faiblesse de la croissance des revenus, notamment pour les ménages en activité, qui continuent de privilégier l’épargne de précaution à la consommation. Certes, le marché du travail est très dynamique avec 143 offres pour 100 demandes, au plus haut depuis 25 ans. Mais les nouveaux entrants bénéficient de contrats et de rémunérations moins favorables : il s’agit de jeunes, de femmes ou de personnes de plus de 65 ans, travaillant très souvent à temps partiel. La hausse des rémunérations moyennes reste donc très faible, toujours inférieure à 1% en glissement annuel. Cette faiblesse des rémunérations moyennes individuelles pourrait expliquer la faible hausse de la consommation, même si la masse salariale progresse plus rapidement. Elle est d’ailleurs très souvent mise en avant dans les communications de la BOJ et du gouvernement, qui poussent les entreprises à plus de générosité. Les commentaires et analyses reflètent l’opinion de CPR AM sur les marchés et leur évolution, en fonction des informations connues à ce jour. Selon les premières estimations des négociations salariales de printemps, un accord similaire à celui de 2016 est envisagé pour 2017, soit une hausse d’un peu plus de 2% sur un an. Autre élément positif pour les prochains mois, la progression observée des salaires horaires pour le temps partiel (+2,4% sur un an en janvier).

Si la consommation redémarre dans les prochains mois, pourra-t-on cette fois-ci évoquer la sortie de la déflation ?

Plusieurs éléments sont en effet rassurants et indiquent clairement que la politique de réformes structurelles menée par le gouvernement Abe commence à porter ses fruits. On remarque en effet que la croissance nominale, qui ne cessait de reculer depuis 1997 progresse enfin (graphique 2). La croissance japonaise, bien que faible, est supérieure au potentiel de croissance estimé, ce qui devrait conduire au comblement de l’output gap dans les prochains mois, et donc provoquer une accélération de l’inflation. Autre indicateur positif, l’évolution du prix des actifs au Japon : l’évolution annuelle des prix de l’immobilier affiche un taux de croissance positif sur le plan national pour la 2ème année consécutive, avec des hausses dans l’ensemble des catégories (résidentiel, commercial…). De plus, il ne faut pas oublier les propos de M. Kuroda, le gouverneur de la banque centrale, qui précise certes que l’économie accélère modestement, mais qu’il reste encore du temps avant d’atteindre l’objectif d’inflation de 2%, ce qui implique le maintien d’une politique monétaire très accommodante pour de longs mois encore. C’est un élément de stabilité considérable, notamment pour les entreprises. Enfin, on peut mettre en avant la continuité politique probable pour les prochaines années. En effet, le parti de M. Abe a modifié ses statuts, permettant à son chef de postuler pour un 3ème mandat, lors du prochain scrutin législatif en septembre 2019. Lorsque l’on mène une politique économique fondée sur des réformes structurelles, le temps est un élément fondamental.

Laetitia Baldeschi - CPR AM

Stratégiste chez CPR Asset Management

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