Été 2015 : retour derrière la ligne d’en-but pour les investisseurs en actions

Asset Management - Une seule comparaison vient à l’esprit pour évoquer la débâcle expérimentée par les marchés pendant l’été 2015 : l’élimination du XV d’Angleterre de sa coupe du monde de rugby dès les phases de poule. Une différence : du côté des investisseurs, il n’y a personne pour se réjouir… Et en regardant de plus près les actions européennes, il est intéressant de considérer les points d’entrée actuels. Explications.

Après être sortis essoufflés de la mêlée grecque, les investisseurs n’ont pu échapper aux mauvaises nouvelles venant de Chine et des pays émergents, auxquelles il faut ajouter la communication éprouvante de la FED. La dévaluation chinoise et le statu quo de la Fed sont deux évènements positifs même s’ils vont temporairement à l’inverse de la stratégie annoncée des deux pays. Pour la Chine, un Yuan fort devait permettre au pays de se reposer plus sur la consommation intérieure et sur une montée en gamme de l’industrie. Pour les Etats-Unis, le relèvement des taux directeurs devait intervenir après plusieurs années de reprise, afin de se redonner une flexibilité en cas de nouveau ralentissement économique.

Les investisseurs ont interprété de la même manière le message envoyé par ces deux décisions monétaires : la croissance mondiale est sous pression. Ils ont revu en conséquence à la baisse leurs perspectives, et ont alimenté la baisse des marchés déjà bien entamée au cours du second trimestre de l’année 2015. Si l’interprétation d’une croissance mondiale plus faible est juste, il convient de rappeler que ces deux mouvements monétaires offrent un soutien de court terme à l’économie mondiale. En effet, la dévaluation orchestrée par la PBOC (la banque centrale de Chine) couplée aux récents plans de relance dans les secteurs de l’automobile et de la construction, devrait permettre au tissu industriel chinois de reprendre son souffle et de rassurer les investisseurs.

 

Les pays émergent sauvés par la FED
Par ricochet, les pays émergents ont été les principales victimes des turbulences de l’été. La faiblesse de la croissance mondiale fragilise leur situation économique et financière : la dévaluation chinoise les rend relativement moins compétitifs sur la scène mondiale. C’est particulièrement vrai pour l’Indonésie ou l’Inde, par exemple. Par ailleurs, la plupart sont des exportateurs de matières premières dont les prix ont considérablement baissé. L’Afrique du Sud et la Russie sont en première ligne. Et la baisse des prix de ces dernières impactent leurs rentrées d’argent. Enfin, des pays comme le Brésil ou la Malaisie cumulent les deux problèmes. Pour finir, tous ces pays souffrent de leur endettement souvent libellé en dollars américains, dont le poids a explosé ces dernières années. Aujourd’hui cette menace fait fuir les capitaux. Selon l’Institute International of Finance, pour la première fois depuis 1988, les sorties de capitaux seront supérieures aux entrées cette année. Symbole de cette débâcle : le Brésil. Le pays tangue politiquement et a été relégué par Standard & Poors dans la catégorie des emprunteurs spéculatifs.

Heureusement, pour éclaircir ce tableau noir, le statu quo de la FED a au moins permis d’éviter à court terme un total effondrement des devises émergentes face au dollar américain. Le ralentissement américain ‒ à nouveau visible avec la publication décevante des créations d’emplois, vendredi 2 octobre ‒ éloigne la date de relèvement des taux aux Etats-Unis et le risque d’écroulement des pays émergents qui en découle. Le retour des flux dans les pays émergents visibles lors de la première semaine d’octobre 2015, devrait redonner confiance aux investisseurs en actions.

 

Scandale Volkswagen : une entreprise déraille, et la bourse capitule

Après la révélation d’une fraude sans précédent sur la qualité environnement de ses moteurs diesels, le titre Volkswagen a naturellement dévissé devant les sanctions de différentes natures qui l’attendent : amendes au pénal, poursuites au civil, coût des réparations, remboursement de subventions, et autres impact en termes d’images. Malheureusement, ce KO debout ne s’est pas limité à la firme de Wolfsburg. Le contexte de nervosité sur les marchés a envoyé le secteur automobile à la casse, alors qu’il était déjà fragilisé par le ralentissement de la croissance chinoise : -23,82% sur le trimestre, -7,27% depuis le début de l’année. Ainsi donc, c’est tout le secteur automobile qui a été victime d’une sortie de piste boursière, entraînant avec lui des secteurs fournisseurs comme les matériaux de base et finalement le reste du marché. Pourquoi ? Le marché a extrapolé cet évènement microéconomique : fraude généralisée des constructeurs ? Implication des équipementiers ? Fin du moteur diesel ? Impact majuscule sur le PIB allemand ? S’il est trop tôt pour se prononcer sur les conséquences de l’épisode Volkswagen, le marché n’a pas manqué d’imaginer le pire…

 

Les actions européennes maltraitées malgré un flux de bonnes nouvelles
La performance des marchés actions européens sur le troisième trimestre 2015 a été fortement négative avec -9,18% pour l’Eurostoxx 50. Les compteurs ont quasiment été remis à zéro : +1,48% depuis le début de l’année à fin septembre). Après des performances supérieures à 20% à la mi-avril, le réveil fin septembre a été brutal pour les investisseurs.

Pourtant, la zone euro reste l’une des rares zones économiques où les nouvelles sont restées positives. Les enquêtes de la Commission européenne ont, par exemple, continué de s’améliorer en septembre, et ce malgré la crise grecque de juillet et l’impact chinois d’août. Si les industriels relèvent un tassement logique de leurs carnets de commandes étrangères, la demande domestique, elle, continue d’entretenir la confiance. Ainsi, l’indicateur global de confiance s’affiche à 105,6 points et retrouve ainsi son plus haut niveau depuis juin 2011. Cette dynamique domestique repose notamment sur une accélération de la demande de crédit, observable depuis le début de l’été. Le Quantitative Easing de la BCE, par la baisse des taux, produit actuellement ses effets.

Si le ralentissement chinois et son impact sur la croissance mondiale est une réalité, son impact globalisé sur la zone euro en est une autre. Il mérite d’être relativisé :Selon une étude Natixis, le poids des exportations vers la Chine ne représentait que 1,3 % du PIB de la zone euro en 2014. Si l’on rajoute les exportations auprès des pays émergents, hors Russie et pays membres de l’OPEP, le poids s’élève à près de 6 % du PIB. Il y a certes un impact, mais cela justifie-t-il un mouvement de baisse de 15 % sur les marchés actions européens ? La révision à la baisse par le FMI de la croissance en zone euro, de 1,6 % à 1,5%, annoncée le mardi 6 octobre, a été modeste. D’ailleurs, elle a été favorablement accueillie par le marché, signe que les investisseurs ont été excessifs, comme d’habitude.

 

Des soutiens favorables aux actions européennes
La BCE reste et restera le meilleur soutien des marchés actions européens. En septembre, Mario Draghi, n’a pas eu de peine à se montrer rassurant face aux inquiétudes des marchés, notamment parce que la faiblesse des chiffres de l’inflation lui permet d’imaginer de nouvelles mesures accommodantes. S’il le faut, il augmentera, il prolongera ou il élargira son Quantitative Easing. Les entreprises européennes pourront donc, comme c’est déjà le cas aujourd’hui se refinancer à bas coûts et profiter du rebond conjoncturel de l’activité. Au mieux, elles réinvestiront leurs résultats et alimenteront la croissance. Au pire, elles les redistribueront aux actionnaires sous forme de dividendes.

Dernier élément, les publications de résultat du troisième trimestre 2015 devraient également supporter les indices actions. En plus de la reprise domestique, les résultats des entreprises bénéficieront une dernière fois de l’euro faible et des cours de matières premières déprimés. La croissance des bénéfices des entreprises du DJ Stoxx600 sur l’exercice 2015 est ainsi attendue en progression de 3,3 %, quand celle du S&P 500 américain risque d’être stable à +0,5 %.

En cherchant bien, on trouve toujours matière à se réjouir, sur les marchés comme sur les terrains de rugby. Certains investisseurs sont prompts à se relever après plusieurs mois compliqués, en témoigne ce beau début de mois d’octobre. Souhaitons également au XV de la rose de se relever rapidement de cet échec sportif, et unique dans les annales. “Sorry, good game” !

Christophe Deschamps - Turgot Asset Management

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