Le dragon chinois dynamisé par la consommation

Asset Management - Le consommateur chinois, de plus en plus aisé et averti, génère de nouvelles opportunités d’investissement. Une approche long/short contribue à minimiser le risque.

La Chine fut un temps la principale source de produits manufacturés bon marché du monde. Mais, désormais, l’économie chinoise se métamorphose en un centre d’innovation technologique de plus en plus tiré par la consommation intérieure. Cette mutation crée des gagnants et des perdants parmi les entreprises du pays, donnant naissance à un vaste réservoir d’opportunités pour les investisseurs en actions en général, et pour les stratégies « long/short » en particulier.

De la main d’œuvre bon marché à l’acheteur averti

Le revenu disponible des Chinois a plus que doublé au cours de la dernière décennie. La proportion de la population se situant au point médian de la répartition des revenus devrait passer de 60% en 2015 à 75% d’ici à 2030, avec – selon l’Economist Intelligence Unit – une croissance parmi les plus fortes dans le haut de la fourchette des revenus.

Les consommateurs deviennent de ce fait beaucoup plus avertis. Ils sont désormais 48% à acheter les vêtements les plus haut de gamme qu’ils peuvent se permettre, en qualité et en prix, contre 28% en 2011. Le temps des produits bon marché «taille unique» est révolu. Et les entreprises capables de répondre à cette évolution des goûts sont susceptibles d’en tirer de substantiels avantages. Le fabricant de spiritueux Kweichow Moutai, par exemple, devrait afficher une croissance de son chiffre d’affaires de quelque 15% en 2016 et conserver ce rythme au cours des deux prochaines années.

Du fait de la prospérité croissante, les gens ont plus d’argent à consacrer aux divertissements. Ils voyagent, vont au restaurant, achètent des jeux en ligne, envoient des cadeaux réels ou virtuels aux stars de l’Internet et investissent dans divers produits financiers pour tenter de compenser la faiblesse des taux d’intérêt sur les comptes en banque traditionnels.

Répartition du revenu annuel disponible par tête (% de la population totale, ajusté des revenus non déclarés, à prix constants 2015)

Mise à niveau technique

Un changement radical s’annonce également dans le secteur manufacturier. La Chine n’est plus axée sur la production de textile et de chaussures bon marché, dont une bonne partie a été délocalisée vers d’autres pays comme le Vietnam ou l’Indonésie. Le nouveau boom chinois émane désormais de la technologie: automatisation, intelligence artificielle, dispositifs plus intelligents ou commerce en ligne – tendances majeures sur lesquelles nous misons également dans le segment long du portefeuille.

Les géants de l’Internet chinois Alibaba et Tencent, par exemple, étaient des nains il y a une dizaine d’années. Actuellement, le premier représente un tiers du commerce en ligne mondial en termes de valeur brute des marchandises. La pénétration de la technologie a été remarquable: en 2016, 200 millions de Chinois utilisaient leurs téléphone mobile pour régler leurs achats, soit 46% de plus que l’année précédente.

Le boom technologique a rendu l’univers d’investissement de la Grande Chine bien plus diversifié. L’informatique représente désormais 32% du marché actions en Chine, à Hong Kong et à Taïwan, soit une progression de 13% par rapport à il y a tout juste cinq ans.

Gare aux secteurs liés au gouvernement et aux géants obsolètes

Il faut éviter les secteurs liés au gouvernement qui reposent sur des quotas et ne dépendent pas directement de la demande du marché. Nous avons, par exemple, été très réservés à l’égard des modèles économiques des entreprises spécialisées dans la lutte contre la pollution. Celle-ci est évidemment indispensable en Chine, mais les entreprises auront davantage tendance à investir dans l’écologie si des lois et/ou des subventions gouvernementales sont mises en place. Ces secteurs, qui sont donc très vulnérables à tout changement de politique publique, se caractérisent par la faiblesse de leurs cash-flows.

Il faut également rester très prudents vis-à-vis des entreprises de la vieille économie – ces géants industriels qui ne se sont pas adaptés à l’évolution de la demande et qui continuent de fabriquer des produits bas de gamme, désormais disponibles à moindre prix ailleurs.

Un compromis de la part de Trump éviterait un scénario «perdant-perdant»

Bien sûr, de nombreux nuages assombrissent l’horizon, en particulier la politique étrangère des Etats-Unis. Si Donald Trump tenait ses promesses de campagne en matière de commerce international, il faudrait s’attendre à des rapports plus tendus entre les Etats-Unis et la Chine. Il s’est ainsi montré très offensif en voulant mettre un terme aux importations bon marché en provenance de Chine et en plaidant en faveur d’une relocalisation des emplois manufacturiers vers les Etats-Unis. Mais s’agit-il d’une simple rhétorique? Il paraît également clair que certaines des personnalités choisies pour faire partie de sa nouvelle administration sont hostiles à la Chine. Dans un tel contexte, il semblerait judicieux d’éviter les entreprises fortement exportatrices vers les Etats-Unis, et donc vulnérables à d’éventuelles restrictions commerciales.

Toutefois, les conséquences d’une politique protectionniste ne seraient pas non plus entièrement positives pour les Etats-Unis. S’il était suivi d’effet, l’engagement de Trump d’imposer une taxe de 45% sur les importations de produits chinois aurait des répercussions sur l’inflation et le niveau des prix aux Etats-Unis. Bien qu’il ait adopté une ligne dure, nous espérons qu’il parviendra à un compromis avec la Chine, évitant ainsi une guerre commerciale ouverte, ce qui constituerait un scénario «perdant-perdant» pour les deux pays.

Une montagne de dettes : l’opportunité au cœur du danger

L’autre crainte majeure à propos de la Chine concerne le fardeau de sa dette, et notamment de sa dette privée. Le ratio dette totale-PIB de la Chine est de 250%, niveau élevé mais néanmoins inférieur à celui du Japon, qui dépasse 350%. Le problème est que la dette de la Chine est essentiellement le fait des entreprises, contrairement à celle du Japon. En cas de ralentissement de l’économie, les entreprises éprouveraient des difficultés à rembourser leurs emprunts et seraient contraintes à la faillite. C’est l’une des raisons expliquant la faible valorisation actuelle des banques chinoises : les investisseurs s’inquiètent de l’ampleur de leurs créances douteuses.

Il revient au gouvernement d’intervenir et de remédier à cette situation. En effet, la plupart des banques chinoises sont étatisées et deux tiers environ de l’encours de la dette d’entreprises sont détenus par des sociétés publiques.

En 2017, l’heure de vérité pourrait bien sonner sur le front de la dette et, en puissance, celle des grandes opportunités arriver. Il est intéressant de relever que le mot chinois pour «crise» se compose de deux caractères dont l’un signifie «danger» et l’autre «opportunité». Si la crise de la dette était résolue, les marchés actions chinois pourraient connaître une très bonne année, notamment parce que les bénéfices des entreprises et l’activité industrielle donnent des signes d’amélioration.

Mais pour que ce soit le cas, il faudrait que le gouvernement éponge une partie de la dette des entreprises tout en prorogeant ses mesures de relance monétaire – sans aller jusqu’à provoquer des tensions inflationnistes. En attendant, l’état de la dette demeure préoccupant.

Une opportunité pour un positionnement long/short

À juste titre, de nombreux investisseurs demeurent réservés face à la Chine, car ils ne peuvent comprendre comment un pays dont la dette des entreprises a explosé peut éviter un effondrement. Il existe effectivement un certain nombre de problèmes – problèmes qu’une intervention publique clairvoyante pourrait toutefois résoudre efficacement. Il n’en reste pas moins que la Chine est une économie comptant près de 1,4 milliard de consommateurs dont le revenu disponible augmente chaque année.

Identifier correctement les titres susceptibles de bénéficier ou de pâtir de la mutation économique peut se révéler particulièrement rémunérateur dans la région Grande Chine, où la dispersion des performances médianes des titres du MSCI Golden Dragon au cours des 20 dernières années se situe à 19,5, contre 13,5 pour le S&P 5005. La combinaison de tous ces éléments crée un terrain très fertile pour des opportunités d’investissement « bottom-up » dans le cadre de stratégies « long/short ».