Investisseurs souverains : quelle tendance ?

Asset Management - La confiance des investisseurs souverains demeure inchangée malgré un environnement difficile. Les nouveaux capitaux affluent vers les États-Unis et les marchés frontières, et les investisseurs se retirent du Brésil, de la Russie et de la Chine. L'augmentation de l'exposition aux investissements alternatifs se fait avant tout dans l'immobilier (elle croît plus vite que l'exposition combinée au capital-investissement et aux infrastructures). 

Invesco publie sa quatrième étude annuelle Invesco Global Sovereign Asset Management Study, un rapport détaillé sur le comportement en matière d’investissements des fonds souverains et des banques centrales. Basée sur des entretiens individuels, cette étude a été menée auprès de 77 fonds souverains et fonds de réserves de change à travers le monde, représentant 66 % des actifs souverains et 25 % des réserves de change – soit un total de 8 960 milliards de dollars USD d’actifs.

Cette année, l’étude met en exergue que la confiance des investisseurs souverains mondiaux reste stable malgré la volatilité des marchés, toujours présente, et la faiblesse prolongée des prix du pétrole. Ils continuent à poursuivre des objectifs d’investissement à long terme qui se traduisent dans leur allocation d’actifs stratégique. Cette année, leur préférence va nettement aux États-Unis, par rapport à d’autres régions. Afin de renforcer leur exposition aux investissements alternatifs, leur intérêt s’est porté sur l’immobilier.

La confiance des investisseurs souverains demeure intacte malgré un environnement difficile

Même si l’environnement macro-économique, rendu difficile par la faiblesse prolongée des prix du pétrole, a affecté la performance des investissements avec des résultats annuels moyens de leurs portefeuilles en baisse, les investisseurs souverains restent mieux préparés en termes de capacités d’investissement et de gouvernance. Ainsi, dans l’ensemble, les investissements nets ont été positifs, et les investisseurs de profil « Liability » et « Development » ont connu des flux positifs. En moyenne, les apports de capitaux ont représenté 7 % des actifs et les investisseurs souverains n’en ont cédé que 3 % alors qu’ils ont à faire face à des défis en matière de financement.

Dans cet environnement, ils ont allongé leur horizon d’investissement, qui est passé de 6,4 ans à 7,6 ans au cours des quatre dernières années. Ils demeurent intéressés par les primes d’illiquidité et les avantages de la diversification offerts par les investissements alternatifs.

L’étude montre que, dans l’ensemble, la confiance des investisseurs souverains demeure stable et élevé. Depuis 2013, l’indice de confiance des investisseurs souverains mesuré par Invesco indique en effet une amélioration de la confiance globale de 7,5 en 2014 à 7,8 en 2016 [échelle de 10]. L’indice Invesco mesure la confiance sur la base des performances et des compétences agrégées (analyse de l’expertise d’investissement, hommes et talents, gouvernance et recours à des tiers). Le rapport 2016 montre que les investisseurs de profil « Liability » et « Development » affichent une confiance accrue sur les deux catégories (performances et compétences agrégées). La baisse des performances a eu un impact sur les investisseurs de profil « Investment » et « Liquidity ». En effet, leur confiance, basée sur la performance, est passée de 8,4 en 2014 à 7,7 cette année. En revanche, leur confiance mesurée sur la base des compétences agrégées s’est améliorée et est passée de 7,4 à 7,8 au cours de cette même période.

Alex Millar, Head of EMEA sovereigns & Middle East and Africa institutional sales, observe « De nombreux investisseurs souverains sont maintenant plus à l’aise pour intervenir dans un environnement dans lequel les nouvelles sources de financement sont limitées. Certains ont cédé des actifs aux gouvernements sans réduire des investissements de long terme alors que d’autres, depuis 12 mois, n’ont eu absolument aucune demande de retraits. Nombre de ces institutions apparaissent confiantes dans leurs perspectives de financement et augmentent l’importance de leurs objectifs d’investissement par rapport à leurs besoins de liquidité à court terme. »

 

Les États-Unis deviennent le marché le plus attrayant pour les investisseurs souverains
Alors que le Royaume-Uni était devenu le marché développé préféré des investisseurs souverains, les États-Unis l’ont dépassé en 2016. Le score relatif de l’attrait en faveur des États-Unis est passé de 6,5 (sur 10) en 2014 à 8,2 en 2016 – contre un score de 7,5 pour le Royaume-Uni en 2016, en légère baisse. Les investisseurs souverains restent également très positifs quant aux opportunités futures aux États-Unis, en particulier dans le domaine des infrastructures.

Les investisseurs souverains estiment que les États-Unis semblent de plus en plus ouverts à leurs investissements en raison de la perception positive à l’égard des investissements qu’ils ont effectués dans le secteur financier américain durant la crise financière mondiale. Ils sont, en outre, nombreux à estimer qu’il est désormais plus facile et plus attrayant d’investir aux États- Unis, en grande partie grâce aux politiques d’investissement plus favorables comme l’exemption introduite en 2016, par le Foreign Investment in Real Property Tax Act (FIRPTA), en faveur des fonds de pension étrangers pour des acquisitions immobilières.

 

Nouvelles expositions aux marchés frontières, un désintérêt pour les BRIC
Les expositions aux marchés frontières progressent : l’exposition aux marchés asiatiques est passée de 1,6 % en 2014 à 2,3 % en 2015 et l’exposition aux marchés africains a progressé de 0,6 % à 0,9 % dans le même temps. Les capacités manufacturières, la stabilité politique et la qualité des infrastructures sont les principaux facteurs cités pour expliquer ce changement, de même que la diversité des produits d’investissement, tels que les actions et les obligations classiques ou encore les investissements directs dans des placements alternatifs comme l’immobilier.

À l’inverse, les pays BRIC (Brésil, Russie et Chine) ont perdu de leur attrait auprès des investisseurs souverains à cause de leurs piètres performances, à l’exception de l’Inde qui est devenue plus attractive. Par rapport à ces dernières années, les investisseurs souverains sont moins enclins à occulter les questions politiques et réglementaires qui se posent dans ces pays afin de pouvoir réaliser leurs allocations cibles. Les investisseurs souverains notent que les grands marchés d’exportation comme le Brésil et la Russie rencontrent des difficultés du fait du prix des matières premières et de la chute des marchés actions et que la diminution de la population active en Chine fait augmenter les coûts du secteur manufacturier et exerce une pression sur les marges du secteur privé.

Alex Millar explique : « Bien qu’ils soient des investisseurs de long terme, les investisseurs souverains réagissent rapidement à l’attrait d’un marché, en fonction des dernières statistiques ou des évolutions réglementaires. La performance des marchés et les politiques publiques sont également pris en compte dans leurs choix d’allocation d’actifs stratégique – en particulier géographiques. La capacité des gouvernements à attirer les investisseurs souverains au moyen de décisions politiques représente une constatation importante de l’étude. Ces derniers ont ainsi la possibilité d’attirer d’importants capitaux à long terme afin de soutenir la croissance économique ».

 

L’immobilier devient la classe d’actifs préférée

Les investisseurs souverains se sont concentrés sur l’augmentation de leurs expositions aux infrastructures et au capital-investissement ces deux dernières années. Leur attitude a toutefois changé en 2016 et, pour la première fois, le nombre d’investisseurs souverains pensant à renforcer leurs allocations à ces classes d’actifs diminue. Si les expositions aux infrastructures et au capital-investissement ont progressé au cours des trois dernières années, elles restent faibles – les infrastructures représentent en moyenne 2,8 % des actifs en portefeuille et le capital-investissement en moyenne 4,5 %.

A l’inverse, l’exposition à l’immobilier a progressé pour passer de 3,0 % en 2012 à 6,5 % aujourd’hui (soit un taux de croissance annualisé de 29 %) sur trois ans ce qui représente une croissance supérieure à celle des expositions au capital-investissement et aux infrastructures combinée. Les investisseurs souverains envisagent d’augmenter leurs expositions mondiale et locale au secteur immobilier plus que leurs expositions dans n’importe quelle autre classe d’actifs afin de remplir leurs objectifs de diversification et de performance absolue.

Les investisseurs souverains attribuent cette évolution en grande partie au fait que les investissements immobiliers sont moins difficiles à réaliser en comparaison au capital-investissement ou aux investissements en infrastructures pour lesquels ils ont rencontré des difficultés. Les investisseurs citent par ailleurs le fait qu’il y a plus de gérants d’actifs internationaux fiables et qu’il existe de nombreux promoteurs et exploitants avec lesquels il est possible de s’associer dans les investissements immobiliers. Par conséquent, plus de 62 % des investisseurs souverains présentent une sous-exposition aux infrastructures et 52 % une sous- exposition au capital-investissement, par rapport à leurs expositions cibles.

Alex Millar conclut : « Même si les défis auxquels sont confrontés les investisseurs souverains depuis le début de cette période de volatilité des prix du pétrole ne sont pas passés inaperçus et que les performances ont été affectées, la confiance des investisseurs souverains internationaux demeure relativement forte. Au sein des différents profils d’investisseurs souverains identifiés par l’étude d’Invesco3, cette confiance est la plus forte parmi les investisseurs de type « Liability » et « Development », tandis que les investisseurs de type « Investment » et « Liquidity » ont dû faire face à des défis plus grands en raison de l’importance des matières premières dans leurs nouvelles sources de financement. Les résultats de l’étude 2016 renforcent l’impression que les investisseurs souverains sont mieux préparés pour faire face aux défis que représentent la volatilité et les sources de financement et qu’ils continuent à rechercher des opportunités d’allocation d’actifs stratégique, à renforcer leurs capacités internes et à rechercher des partenaires spécialistes de l’investissement dans le but de structurer leurs portefeuilles de manière à s’assurer des rendements diversifiés sur le long terme. »

Bernard Aybran

Directeur de la multigestion - Invesco Asset Management

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