Paris peut-il l’emporter sur Francfort ?

Asset Management - Avec le Brexit, la question du transfert de certaines activités financières actuellement logées à Londres vers le continent a été posée. Paris, Francfort, Dublin Luxembourg voire Bruxelles se positionnent pour suppléer le cas échéant la City. Évidemment, tout dépend des négociations et des politiques qui seront mises en œuvre en Europe et au sein des différents États européens. Les activités financières peuvent, en effet, migrer en zone euro ou se déplacer bien plus loin, à New-York ou à Singapour, ou tout simplement rester à Londres.

Est-ce que dans ce match rempli d’incertitudes, Paris peut l’emporter et redevenir une place financière de premier plan ?

La France bénéficie d’un fort secteur financier qui représente de 4 à 5 % de la valeur ajoutée nationale, comparable en poids à celui de l’Allemagne, de l’Italie ou de l’Espagne. Les banques et les compagnies d’assurances françaises sont reconnues pour leur solidité. Plus de 750 000 personnes travaillent en France pour le secteur financier. Au Royaume-Uni, le secteur financier représente plus de 7 % du PIB et emploie plus d’un million de personnes dont plus de 50 % sont concentrées sur Londres. Ce phénomène de concentration se retrouve à Paris qui emploie 40 % du personnel du secteur financier.

Cinq établissements financiers français comptent parmi les quinze premières banques européennes, soit le même nombre que pour le Royaume-Uni. Francfort ne compte qu’une seule banque figurant dans ce classement.

Paris occupe des places plus honorables sur les différents segments du secteur financier. Ainsi, elle est en deuxième position, derrière Londres, pour les marchés de gré à gré. En Europe, elle se situe au deuxième rang (derrière Londres) pour le montant des actifs sous gestion et au troisième pour la domiciliation de fonds (derrière le Luxembourg et Dublin). Malgré tout, la place de Paris est trop franco-française. Elle n’arrive qu’à capter marginalement des flux de capitaux internationaux. En outre, depuis une dizaine d’années, le secteur financier constate des sorties d’actifs au profit du Luxembourg. Ainsi, la France n’a capté que 4 milliards d’euros de primes d’assurances en provenance de l’étranger quand ce montant atteint 20 milliards d’euros au Luxembourg. Les assureurs français installés au Luxembourg auraient encaissé, en 2015, pour 7 milliards d’euros de primes quand le marché domestique de ce pays ne pèse que 1,3 milliard d’euros.

En ce qui concerne l’assurance, Paris compte quatre représentants parmi les vingt premiers groupes européens dont le premier assureur mondial. La France est le deuxième marché de l’assurance en Europe derrière celui du Royaume-Uni. Si l’Allemagne dispose également de grands groupes, ceux-ci n’ont pas installé leur siège à Francfort (Munich et Hanovre).

Paris apparaît, en revanche, un peu à la traîne pour les FinTech. En la matière, la capitale est devancée par Londres, Francfort et Dublin. Néanmoins, les montants investis sont en forte augmentation, +750 % en 2015. Trois FinTech françaises figurent parmi les 100 premières mondiales. La France est, en revanche, bien représentée sur le marché du financement participatif.

La France peut s’appuyer sur des structures d’enseignement réputées pour la finance. Chaque année, plus de 8000 étudiants sont formés pour les métiers du front-office et 18 000 pour les métiers du middle et back-office. Notre pays dispose d’une filière mathématique parmi les meilleures du monde dont les diplômés se dirigent en partie vers le secteur financier. En 2016, 5 écoles françaises figurent parmi les 10 premières au sein du classement mondial des masters de finances. Les entreprises étrangères font appel à de nombreux étudiants français avant même leur arrivée sur le marché du travail, preuve du bon niveau des formations délivrées.

Paris peut également mettre en avant un marché de l’immobilier de bureaux dynamique et de qualité. Il s’élève à plus de 1,950 million de mètres carrés contre 470 000 à Francfort.

Paris a l’avantage d’abriter 29 sièges de sociétés comptant parmi les 500 plus importantes à l’échelle mondiale ce qui la place au 1er rang européen et au 3e rang mondial derrière Tokyo et Pékin. Francfort est pénalisée par la dissémination des sièges sociaux dans les grandes villes allemandes (Berlin, Munich, Stuttgart, etc.).

Le caractère centralisé de la France peut être un atout en ce qui concerne la supervision. Le rôle de l’ACPR et de la Banque de France est reconnu quand, en Allemagne, la structure fédérale est une source de complexité. Le Ministère des Finances depuis le milieu des années 80 joue plutôt un rôle positif pour le développement du secteur financier en dehors de la problématique du niveau des prélèvements obligatoires.

Parmi les autres atouts dont dispose Paris figure la présence de deux grands aéroports internationaux, Charles de Gaulle et Orly, ainsi que d’infrastructures ferroviaires et routières de qualité. La capitale dispose d’avantages certains. En ce qui concerne les faiblesses, elles sont connues et sont liées aux prélèvements, au code du travail et à la sur-règlementation.

Philippe Crevel - Cercle de l'Epargne

Directeur

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