La dépense publique est-elle en France anormale ?

Asset Management - Le montant des dépenses publiques en France atteint 57 % du PIB contre 48,5 % en moyenne pour les pays de l’OCDE. Seuls deux pays scandinaves – le Danemark et la Finlande – dépensent autant que notre pays. Comment pouvons-nous expliquer l’appétence française à la dépense publique ?

La France se caractérise par un haut niveau de dépenses dans tous les domaines de l’action publique par rapport à ses partenaires. Cette situation est liée à une préférence pour les modes de gestion publique et obligatoire. Ainsi, le poids des dépenses d’éducation nationale est plus fort en France que dans la moyenne des pays de l’Union car le secteur privé y joue un moindre rôle. En ce qui concerne les retraites, le deuxième pilier, les complémentaires professionnelles, par leur nature obligatoire, sont intégrées aux dépenses publiques de protection sociale quand chez nos voisins, du fait de leur caractère facultatif, elles ne sont pas comptabilisées.

L’emploi public, un vecteur important d‘augmentation de la dépense

La France compte 5,5 millions d’emplois publics. Pour autant, la part de l’emploi public dans l’emploi total n’y est pas systématiquement supérieure aux autres pays de l’OCDE. Si elle est plus élevée qu’en Allemagne, elle est inférieure à celle constatée au sein des pays scandinaves ou même à celle du Royaume-Uni. En proportion du PIB, la masse salariale publique n’est qu’en faible croissance au cours des 35 dernières années. En incluant les pensions de retraite des fonctionnaires, elle représente 12,9 % du PIB en 2015, en hausse de seulement 0,4 point depuis 1983. Si l’État a réussi à maîtriser autour de deux millions ses effectifs, en revanche, la progression a été marquée pour les collectivités locales et les régimes sociaux.

L’investissement public n’est pas responsable de l’envolée des dépenses publiques

L’investissement public a, pour sa part, diminué depuis 1980 de 0,8 point de PIB pour ne représenter plus que 3,5 % du PIB en 2015. Ce ratio est néanmoins supérieur de 0,8 point de PIB à la moyenne de la zone euro. Durant la crise récente, des pays européens comme l’Espagne, le Portugal, la Grèce ou l’Italie ont réduit leur effort budgétaire en matière d’investissement. En France, ce phénomène a été observé en particulier pour les collectivités locales, qui concentrent les deux tiers de l’investissement public (hors R&D). En revanche, le budget de fonctionnement des collectivités locales s’est accru en raison de la progression de la masse salariale.

Depuis quarante ans, les collectivités locales ont renforcé leur poids en matière de dépenses. Ainsi, elles  représentent désormais près de 60  % du montant total de la commande publique contre seulement 53 % en moyenne dans les pays de l’OCDE

Le social, explication numéro 1

Les deux tiers du surcroît de dépense publique en France viennent de la protection sociale. Le surcroit est de 5,5 points de PIB par rapport à la moyenne de la zone euro. Sur l’ensemble des postes de dépenses, retraite, santé, logement, famille, la France est au-dessus de la moyenne européenne. Le niveau élevé des dépenses publiques de retraites, 14 % du PIB, s’explique par un choix de socialisation avec des régimes de base et des régimes complémentaires obligatoires fonctionnant par répartition. En outre, depuis les années 70, les retraités ont fait l’objet de la part des pouvoirs publics d’un traitement favorable. Les différentes réformes de retraites mises en œuvre depuis 1993 concerneront essentiellement les nouvelles générations de retraités.

En matière de logement, la France dispose d’une multitude d’aides visant à soutenir les ménages tant pour la location que pour l’achat. Cette politique est contestée depuis des années en raison de son coût et de ses piètres résultats.

En dehors des dépenses sociales, la dépense publique en France dépasse de 3 points de PIB la moyenne en zone euro. Le pôle « affaires économiques » qui regroupe les aides aux entreprises est dans notre pays très développé. Les pouvoirs publics ont développé une série de dispositifs très coûteux en faveur des entreprises afin d’atténuer le coût élevé du travail et afin de les inciter à réaliser des dépenses de recherche et développement (crédit d’impôt recherche, CICE, allègement du coût du travail). Ces dispositifs sont également l’objet de critiques de la part de la Cour des Comptes. Leur efficience est discutée ; ils généreraient avant tout des effets d’aubaine.

Sur l’éducation, la position de la France est moins atypique qu’il n’y paraît. En effet, les dépenses totales d’enseignement par élève et étudiant n’y sont pas supérieures à celles des autres pays européens ; elles sont plus faibles qu’en Autriche, au Royaume-Uni, en Suède, en Belgique, au Danemark et aux Pays-Bas. La France se distingue des autres pays par un moindre investissement dans l’école primaire. Par ailleurs, le poids du secteur privé y est plus faible que dans les autres pays. De plus, la contribution demandée aux familles pour le financement des études supérieures est limitée au regard des pratiques constatées chez nos partenaires.

Comment réduire les dépenses publiques ?*

La réduction des effectifs peut s’effectuer au fil de l’eau par réalisation de gains de productivité dans tous les services administratifs. L’informatisation et le développement des techniques d’information ont ainsi permis de réaliser des économies dans de nombreuses administrations.

Les administrations ont également joué sur les équipements en rallongeant les périodes de renouvellement. Cette politique est contestée car elle débouche sur des à-coups en matière de dépenses et est porteuse de risques. Sur moyenne période, cette technique ne permet pas, selon l’OCDE, de réduire les dépenses.

La réduction des prestations sociales est la technique la plus efficace et évidemment la moins populaire. Elle a été pratiquée par tous les pays confrontés à des problèmes de finances publiques (Grèce, Espagne, Portugal). La France la pratique avec parcimonie.

Les expériences étrangères montrent que le succès des programmes de diminution des dépenses repose sur une association étroite entre les responsables administratifs et les dirigeants politiques. Il suppose une grande persévérance et également une totale transparence.

La France s’est engagée tardivement dans la maîtrise de ses dépenses publiques. La succession d’alternances politiques a conduit à l’arrêt des politiques mises en œuvre (abandon, par exemple, de la revue des finances publiques dès l’arrivée de François Hollande).

Philippe Crevel - Cercle de l'Epargne

Directeur

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